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audiovisuel_afriqueLe secteur de l’audiovisuel en Afrique est en pleine mutation. Sylvain Béletre du cabinet d’étude Balancing Act – spécialisé dans la télévision et les télécoms en Afrique – reviennent sur les modes de diffusion employés par les principaux acteurs qui se préparent à une concurrence de plus en plus féroce.
L’histoire des techniques de l’audiovisuel en Afrique se confond avec l’histoire du cinéma et de la télévision. L’apparition de l’audiovisuelle sur le continent remonte aux années 50 avec les premières télévisions hertziennes.
Le paysage audiovisuel s’est diversifié depuis l’ouverture à des médias privés vers le début des années 2000. Avec cette diversification et les récents développements technologiques, on a assisté à une explosion des chaînes TV et des modes de diffusion utilisées sur le continent.

Aujourd’hui, les techniques audiovisuelles en Afrique sont souvent délimitées par le contenu (programme télévisé, documentaire, vidéoclip, vidéo pour mobile, etc.), les média et la réglementation en vigueur dans chaque pays. En Afrique comme ailleurs, il arrive que le régulateur bloque encore l’allocation de nouvelles licences TV alors que dans d’autres comme l’Uganda, on a vu apparaitre une vingtaine de chaînes TV, voire plus comme au Nigéria. La technologie est l’un des facteurs qui permet aux chaînes de se démarquer.

Le satellite et le réseau hertzien restent pour l’instant les rois de la diffusion audiovisuelle en Afrique, face à la concurrence des DVD – dont beaucoup proviennent de Nollywood au Nigéria- et des projections de rue ou en salle. Les nouveaux arrivants sont l’internet, le cable et la TV mobile.

Les principaux operateurs satellite de la TV en Afrique sont Eutelsat, Intelsat, SES Astra et Arabasat. On rencontre aussi des acteurs intermédiaires tels que GlobeCast – détenue à 100 % par France Télécom – une société de numérisation, d’agrégation, de transmission et de reformatage de contenus audiovisuels destinés à alimenter des plates-formes de télévision par satellite, Télévision Numérique Terrestre, réseaux câblés, TV sur IP, TV sur PC, TV sur mobiles ou encore des réseaux d’Affichage Audiovisuel Dynamique.

Typiquement, pour ce qui est du satellite, on a par exemple connu CFI-TV qui fut, du 5 juillet 1999 au 31 décembre 2003 une chaîne de télévision généraliste gratuite, à destination de l’Afrique francophone, diffusée par satellite, reprise par des opérateurs et distribuée soit par câble (Cameroun), soit en MMDS, soit parfois en hertzien analogique (Zaïre, RDC).

Les opérateurs et chaînes tels que VoxAfrica, France24, TV5 Monde Afrique, Canal + et DStv/Multichoice utilisent largement le satellite pour transmettre leur contenu sur le continent.
Depuis 1998, Canal Overseas (Canal +) se tourne vers la technologie numérique en développant non seulement Canal+ en numérique, mais également des bouquets de chaînes en réception directe par satellite en bande KU. Aujourd’hui, Canal+ Horizons couvre plus de 40 pays d’Afrique.

Arrive maintenant la télévision numérique terrestre (TNT), avec une modulation de type QPSK, OFDM, des signaux vidéo (PAL ou NTSC) encodés et compressés aux formats MPEG-2 ou MPEG-4. La TNT en Afrique doit se généraliser d’ici 2015 selon l’objectif fixé par l’ITU, et démultiplier le nombre de chaînes disponibles. Les sud-africains e.tv et M-Net ont lancé des tests mais d’autres pays progressent plus lentement. Russell Southwood, directeur de Balancing Act a récemment mis en lumière le fait que la moitié des 52 pays africains n’ont pas encore annoncé, réglementé ou testé la TNT. Selon l’étude de Southwood, cinq pays seulement ont lancé la TNT. Dix pays en sont au stade pilote et huit pays ont posé les règles de ce nouveau mode de diffusion.

Sur les réseaux filaires viennent aussi se greffer les offres triple-play avec la TV par ADSL ou la TV sur le cable. La TV d’Orange est une offre du groupe France Télécom commercialisée sous la marque Orange qui délivre des programmes de télévision par le réseau téléphonique d’Internet haut débit (xDSL) et plus récemment proposée par le satellite. Elle fait partie des services payants de la livebox. En Afrique, la TV d’Orange sur ligne fixe a pour l’instant été lancée au Sénégal et à Maurice.
D’autres opérateurs tels que Cape Verde Telecom, HFC cable ou Maroc Telecom commencent également à offrir la TV en plus des services télécoms. L’IPTV étant difficile à mettre en place sur les lignes cuivre actuelles des opérateurs nationaux, ces derniers n’ont pas encore lancé de grandes offres de TV/ADSL.

Mais avec l’explosion imminente d’internet à des coûts plus bas sur tout le pourtour du continent africain, les offres multi-play, la webTV et l’IPTV sont amenées à émerger.
Les fonctions interactives vont aussi améliorer le confort du téléspectateur. Le streaming live et en différé, la ” catch up TV ” (par exemple “CANAL + A LA DEMANDE” en place à Maurice et à la Réunion), l’enregistrement sur disque dur, le PVR, le téléchargement, la VoD (vidéo à la demande) et les blogs du net sur les émissions vont se développer.

La mise en ligne est aussi en vogue. VoxAfrica, TV5 et France24 ont déjà postées de nombreuses émissions sur leur site. VoxAfrica fournit aussi son flux en live sur le web. People TV, producteur de deux programmes populaires – ” Business Africa ” et ” Initiative Africa ” rend accessible ses dernières émissions en ligne afin d’être plus près de son audience. Jeune Afrique a par ailleurs déjà lancé sa webTV sur son site depuis juillet 2008 – Jeune Afrique TV – avec des interviews et des reportages sur l’actualité ce qui a enrichi le contenu et augmenté le trafic du site.

La diffusion de la TV sur mobile – encore appelée ” Télévision mobile personnelle ” (TMP) – en est encore à ses balbutiements en Afrique, car qui dit TV mobile dit le plus souvent réseau 3G/UMTS et terminal 3G, pas encore très répandu, et ceci malgré les récent succès du mobile en Afrique. Le satellite permet également la transmission des flux. Des chaînes de TV Mobile peuvent également être reçues gratuitement via des stations de télévision terrestre ou via un format spécial de transmission TV mobile. Les programmes de télévision et les podcasts peuvent être téléchargés et stockés sur le terminal mobile afin de les visionner plus tard.
” La TV mobile d’Orange a été lancée à Maurice et en Tunisie ” confirme Bernard Mazetier d’Orange AMEA. En Afrique du Sud, l’Icasa vient d’accorder deux licences TV sur mobile à MultiChoice et à e.tv. Des chaînes comme France 24 ont lancé des applications pour ” smartphones “. Chez VoxAfrica, la version mobile est en préparation. Soweto Community TV en Afrique du Sud a lancé une plateforme qui permet d’accéder aux dernières informations de la chaîne sur son mobile.

Afin d’assurer leur survie et une plus large audience mesurable dans les années à venir, les diffuseurs sont amenés à étendre leur couverture géographiques, à accroitre leur présence sur les plateformes multimédia et à s’associer avec les bons partenaires tels que les operateurs télécoms. En attendant la TV Mobile et la VoD payante, les SMS permettent à certains diffuseurs de générer des revenus supplémentaires lors d’émissions qui requièrent un vote, la souscription à un jeu ou des questions des téléspectateurs. Quant aux clients de Canal + au Sénégal, ils peuvent désormais régler leur abonnement avec leur portable.

D’autres diffuseurs commencent à utiliser les réseaux sociaux en ligne comme Facebook ou des sites et forums pour communiquer avec leur audience et annoncer de nouveaux programmes. Autre intérêt, récupérer des donnés sur l’audience avec par exemple l’outil ” Facebook Insight “.

Enfin, certaines chaînes nationales – comme par exemple en Angola ou en Afrique de l’Est, ont mis en place des archives numériques afin de sauvegarder leur patrimoine audiovisuel mais aussi pour permettre de diffuser et de monétiser ce contenu ultérieurement. Cette sauvegarde requiert l’utilisation parfois coûteuse d’hébergement en data centres (centres de traitement informatique externes).

La révolution internet en Afrique risque de transformer radicalement le paysage audiovisuel. Des pays comme l’île Maurice, la Cote d’Ivoire, la Namibie, le Nigéria, l’Afrique du Sud ou l’Angola annoncent des chiffres prometteurs sur la croissance des parts de l’ADSL. D’ici les cinq prochaines années, les experts du secteur s’attendent à une explosion de l’utilisation des sites vidéos par les africains : Youtube, Hulu, Dailymotion, MetaCafe, Megavideo, Myspace, yahoo video, BBC iPlayer, Orange, Pratiks.com ou la TV panafricaine VoxAfrica devraient prendre leur marque sur le continent.
Lancé en mai 2010, le site local YouTube.co.za dédiée à l’Afrique du Sud offre en plus aux producteurs locaux – amateurs et professionnels – de poster leurs vidéos sur une section partenaire dédiée pour diffusion globale, immédiate et gratuite. La publicité peut même rapporter de l’argent à ces producteurs de contenu en ligne. En outre, de nouveaux sites web offrant la VoD de films et documentaires d’Afrique vont être lancés dans les prochains mois. TV5 a récemment lancé sa plateforme VOD payante sur son site qui inclut des films venus d’Afrique.

Des sociétés comme NDS et Alcatel-Lucent aident les opérateurs télécoms et les diffuseurs TV en Afrique à distribuer leur signaux audiovisuels vers les terminaux media : TV, mobiles, tablettes, box, ordinateurs, etc.

A terme, la capacité à regarder des chaînes gratuites ou payantes via internet pourrait réduire les parts d’audience des chaînes traditionnelles et payantes, surtout auprès des jeunes. Pour cette population, plus besoin d’antenne satellite ou de boîtier pour recevoir des milliers de chaînes : un ordinateur et une connexion internet haut débit suffisent pour regarder des programmes même en HD. La technologie permet désormais au plus doués en informatique d’éliminer une partie de la publicité. L’Afrique devrait suivre la tendance mondiale : une audience qui choisit son contenu au lieu de la subir. Quelles technologies de diffusion sont à prévoir bientôt en Afrique? Les techniques de convergence entre des services télécoms et des flux audiovisuels, l’IPTV, la webTV, la HD et la 3D.
Quoiqu’il en soit, toute cette technologie n’est que la moitié du problème pour nos diffuseurs Africain qui doivent aussi jongler avec les revenus, du contenu de qualité, leur mesure d’audience exacte et les attentes de leur public.

Balancing Act

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