Avec près de cinq mois de retard sur le calendrier initial, la 4G devrait être commercialisée au Sénégal à partir de juillet 2016 suite à un processus particulièrement long et chaotique. Tout a commencé avec l’annonce du lancement de la 4G par la SONATEL, le 10 octobre 2013, sans qu’il n’y ait eu la moindre annonce officielle. L’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) en sera réduite à publier un communiqué précisant qu’elle n’avait fait qu’octroyer des autorisations temporaires aux trois opérateurs de téléphonie mobile pour leur permettre de tester la 4G. Prévue pour cesser le 31 décembre 2014, la période de tests sera prolongée d’autorité par le Premier ministre, jusqu’au 31 mars 2015, au mépris des prérogatives de l’ARTP. Il est vrai que les choses étaient plutôt mal engagées puisque si Orange avait démarré ses tests dès octobre 2013, Tigo n’avait lancé les siens qu’en décembre 2014 et aucune information n’avait filtré sur les intentions d’Expresso. En avril 2015, l’ARTP lança un appel d’offres en vue d’être accompagnée pour l’attribution de la licence et des fréquences 4G, procédure dont elle exclut les cabinets conseils de l’UEMOA, sous prétexte de manque d’expérience en la matière, pour travailler avec des cabinets marocains et tunisiens alors qu’à l’époque la 4G n’avait pas encore été lancée dans ces pays ! Finalement, ce n’est qu’en novembre 2015 que l’ARTP publiera l’appel à candidatures pour l’attribution de licences et de fréquences 4G avec comme date butoir de réception des offres le 18 janvier 2016. Le jour dit, ce fut le fiasco total puisqu’aucune offre ne fut déposée par les opérateurs qui seront accusés d’entente illicite et déclarés exclus de la suite du processus d’attribution. En fait, après ces rodomontades l’ARTP s’engagea secrètement dans des négociations de gré de gré avec ces mêmes opérateurs pour finalement annoncer le 21 juin 2016 qu’elle avait accordé deux fréquences 4G à la SONATEL pour la somme de 32 milliards de FCFA et renouvelé, par la même occasion sa concession pour la somme de 68 milliards de FCFA. Pour nombre d’observateurs, ces sommes sont largement en dessous de ce que le Sénégal était en droit attendre d’une telle opération. En effet, en Tunisie, pays dont la superficie et la population sont inférieures à celles du Sénégal, Orange a dû débourser près de 42 milliards de FCFA pour la couverture d’une partie du pays et l’attribution des fréquences 4G aux trois opérateurs a rapporté quelques 127 milliards de FCFA. Si l’on se réfère au montant accepté par l’Etat pour l’allocation de la 4G à la SONATEL, inutile de dire que le Sénégal sera bien loin de cette somme au terme du processus d’attribution des fréquences 4G aux deux autres opérateurs. Par ailleurs, qu’en est-il des revenus qui devaient découler de la réattribution des fameuses « fréquences en or » qui devaient être libérées suite au basculement vers la Télévision Numérique Terrestre (TNT) dont personne ne parle plus ? Quant au prix du renouvellement de la concession de la SONATEL, il est ridiculement faible lorsque l’on sait qu’il correspond à quatre milliards par an pendant dix-sept années soit moins de 5% du bénéfice net réalisé par le groupe SONATEL au Sénégal durant la seule année 2015 ! Soumises à un besoin pressant de liquidités pour répondre à la demande sociale, les autorités auraient-elles privilégié la satisfaction leurs besoins ponctuels de trésorerie au détriment de l’intérêt général ? Il reste à espérer que l’Etat fera respecter scrupuleusement les exigences qu’il a posées en termes de couverture pour éviter que celle de la 4G soit aussi déficiente que celle de la 3G. Il est en effet illusoire de vouloir développer une économie nationale numérique avec une couverture du territoire national dans laquelle les zones blanches l’emportent largement sur les zones couvertes. Last but not least, le prix de commercialisation des services 4G sera essentiel dans l’adoption ou le rejet de cette technologie qui ne devrait pas être considérée par les opérateurs comme un produit de niche réservé à une minorité et vendu à un prix exorbitant. En effet, il ne faut pas oublier que nombre d’usagers de la téléphonie mobile devront investir dans l’achat d’un nouveau terminal pour bénéficier de la 4G. Au final, l’attribution de la 4G au Sénégal soulève donc beaucoup d’interrogations auxquelles on ignore la réponse et seul l’avenir nous permettra de savoir si elle permettra de matérialiser les espoirs mis en elle pour être le vecteur du Sénégal numérique !

Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales
OSIRIS

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