Tout au long de son histoire, l’espèce humaine a toujours dû s’adapter à un environnement en perpétuel changement. De la période des chasseurs-cueilleurs à la révolution industrielle et des services en passant par l’ère de l’agriculture, les changements et les perturbations ont été constants et permanents. De nos jours, les technologies numériques et l’omniprésente connectivité combinées à d’énormes capacités de stockage en constante évolution ont créé une économie du savoir, déclenchant ainsi de grandes transformations jamais soupçonnées.

En seulement deux décennies, nous sommes passés du Web 1.0 où les créateurs de contenus étaient peu nombreux et essentiellement limités aux webmasters, au Web 2.0 où chaque utilisateur devient un acteur du Web et un créateur de contenus. Nous avons créé plus de données au cours de ces deux dernières années que dans toute l’histoire de l’humanité.

Des technologies de plus en plus avancées dans les domaines de la mobilité, de l’internet des objets, du big data, du cloud computing, de l’intelligence artificielle, de l’impression 3D ou encore de la robotique, favorisent des innovations perturbatrices qui remodèlent nos façons de travailler, de consommer, d’apprendre et de nous divertir, et tout cela à une vitesse exponentielle.

La rapidité à laquelle ces technologies changent nos sociétés et modifient notre façon d’interagir avec les autres provoque ces bouleversements communément appelés perturbations numériques – Digital disruption – et occasionne de nouvelles façons de faire des affaires plus profitables aux consommateurs.

Il n’y a pas encore très longtemps, des capitaux colossaux étaient nécessaires à une entreprise pour atteindre de manière significative la concurrence. Ce n’est plus toujours le cas aujourd’hui, car les innovations « perturbatrices » traditionnelles qui mettaient des décennies à perturber les marchés ont été remplacées par des innovations technologiques dont l’adoption se fait de plus en plus vite. Aujourd’hui, une simple application IPhone peut suffire à perturber une entreprise leader dans son domaine d’activités. Il aura fallu par exemple environ 38 ans à la radio pour atteindre 50 millions d’utilisateurs dans le monde, ce que l’application Angry Bird a accompli en seulement 35 jours.

Kodak qui est pourtant à l’origine du premier appareil numérique et dépositaire de plus de 1000 brevets en rapport avec la technologie numérique, n’a pas su (voulu) adapter son modèle d’affaires à cette technologie. La marge que la compagnie se faisait sur les ventes de pellicules argentiques était si importante que les dirigeants n’ont pas osé remettre en question ce modèle d’affaires pourtant voué à échec inexorable. Résultats des courses, après avoir régné sans partage sur le monde de la photographie pendant près d’une décennie, Kodak assista à la chute vertigineuse des ventes d’appareils argentiques. Ceci entraîna par extension l’effondrement du business de la pellicule argentique et par là même, l’effondrement de Kodak.

La santé est également un des domaines profondément touché par les progrès rapides de la technologie. Par exemple, l’espérance de vie moyenne des nord-américains (Canada, États-Unis) a régulièrement augmenté depuis deux décennies, passant de 76 ans en 1994 à 80 ans en 2014, et elle continue de progresser. Les nouvelles technologies, plus particulièrement les biotechnologies sont en grande partie responsables dans l’amélioration de la vie des nord-américains ainsi que de leur survie.

Les avancées technologiques ont également transformé la façon dont les médecins posent des diagnostics et traitent des maladies. La cartographie du génome humain combinée aux systèmes d’intelligence artificielle et au traitement analytique des données est désormais utilisée dans les procédures de diagnostics. Par exemple, une expérience a été menée par une équipe d’oncologues du « Memorial Sloan Kettering Cancer Center » de New York consistant à utiliser Watson, le célèbre système d’intelligence artificielle d’IBM pour établir des diagnostics et préconiser les meilleurs traitements dans la prise en charge de patients atteints du cancer.

Dans un autre domaine, Blockbuster, qui a jadis été la plus grande chaîne de clubs de location de vidéo au monde, a été dépassée par Netflix sur le marché de la diffusion vidéonumérique en continu. Cet ex-géant américain n’a pas su s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation qui ont bouleversé les codes de la distribution traditionnelle et en l’espace d’une décennie, l’entreprise qui a valu 5 milliards de dollars US à son sommet, a déclaré faillite, emportant avec elle le modèle traditionnel du club vidéo.

Les exemples d’innovations perturbatrices sont nombreux et touchent toutes les entreprises quel que soient leur taille, leur secteur ou leur lieu d’exploitation. On peut également citer Expédia qui a bouleversé le modèle d’affaires des agences de voyage, Uber celui du transport, Amazon celui de l’édition, Skype, WhatsApp celui des télécommunications, Airbnb celui du logement, Kickstarter, Apple pay celui des finances, Spotify celui de la musique, Coursera celui de l’éducation etc.

Toutes ces innovations de rupture qui ont fondamentalement révolutionné leur marché respectif ont comme point commun la rapidité d’innovation, une accessibilité permanente, et une expérience utilisateur centrée sur la mobilité et l’utilisation des réseaux numériques.

Les gouvernements régulent les impôts et les dépenses et ont un rôle majeur à jouer dans la définition du cadre juridique (droit de la concurrence, droit à la consommation, etc.) dans lequel les marchés fonctionnent, se développent, adoptent et diffusent de nouvelles technologies. Les investissements et les approvisionnements des gouvernements peuvent avoir un impact direct sur le développement de certaines technologies au détriment d’autres. De la même manière, les impôts et les subventions peuvent inciter les entreprises et les consommateurs à développer et /ou adopter des nouvelles technologies. Ces derniers ont donc un rôle primordial à jouer pour relever le défi des technologies perturbatrices.

Dans un premier temps en jouant leur rôle de facilitateur dans le développement et l’adoption des nouvelles technologies. Il s’agit ici de promouvoir la littératie numérique et la création d’une réglementation habilitante en mettant l’accent sur l’établissement d’infrastructures publiques et de normes pour assurer l’interopérabilité entre les technologies. Dans un second temps, les gouvernements doivent aussi jouer pleinement leur rôle de régulateur des marchés dans lesquels les entreprises évoluent.

En Afrique, il urge de généraliser les investissements d’infrastructures à toutes les régions et zones isolées afin de passer des investissements dans l’infrastructure aux investissements dans la création de contenus et l’innovation. Bien que des efforts non négligeables soient consentis dans nombreux pays africains pour déployer d’importantes infrastructures numériques, force est de constater qu’à ce jour nombreuses sont les zones rurales ou isolées où ces infrastructures sont inexistantes. Le maillage numérique complet des territoires augmenterait considérablement la capacité des citoyens de participer à cette révolution numérique en améliorant la connectivité des ménages et en favorisant l’installation des entreprises dans ces zones reculées.

Ces investissements axés sur l’innovation par les technologies vont non seulement soutenir l’activité économique à travers les transactions en ligne (commerce, éducation, finances, mobile money, etc…), mais également apporter aux populations quelle que soit leur location, l’information et le service publics dont elles ont besoin.

De manière générale, utiliser les nouvelles technologies numériques pour soutenir les activités qui génèrent de la richesse va permettre aux populations à très faibles revenus de sortir de l’état de pauvreté dans lequel elles se trouvent, et aux pays en voie de développement de tendre vers une croissance inclusive synonyme d’accélérateur dans la voie du développement.

Oumar Watt
Gestionnaire GI/TI – Spécialiste en intelligence économique.

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