Le directeur général de l’Autorité de régulation des télécommunications (Artp) s’est réjoui du lancement de la procédure d’attribution des licences 4G. Abdou Karim Sall estime que cette innovation technologique va contribuer à réduire le gap numérique au Sénégal. Dans cette interview exclusive accordée au « Soleil », il revient sur certains avantages attendus tels que l’augmentation de la part du secteur des télécommunications dans le Pib et le développement du service à valeur ajoutée des entreprises.

Pourquoi l’Etat a-t-il décidé d’attribuer de nouvelles licences 4G ?

L’attribution de nouvelles licences 4G s’inscrit dans la continuité de la stratégie numérique de l’Etat, et des actions déjà menées pour réduire la fracture numérique au Sénégal et pour poursuivre le développement harmonieux du secteur des télécommunications. Des tests ont été menés avec les opérateurs sur cette nouvelle technologie mobile au cours de l’année 2014. Après cette phase d’expérimentation, l’Etat a décidé d’attribuer de nouvelles licences et fréquences 4G. En attribuant ces licences, l’Etat sénégalais vise à garder son leadership technologique dans la Sous-région. Je profite de l’occasion pour remercier tous les services de l’Etat qui se sont mobilisés pour faciliter ce processus.

Qu’est-ce que la technologie 4G va apporter de nouveau aux consommateurs sénégalais ?

La 4G est une technologie « très haut débit mobile » qui permet des transmissions de données à des débits supérieurs à 100 Mb/s. Elle offre de multiples avantages aux consommateurs sénégalais, en ce qu’elle permet, à partir de son smartphone, d’accéder facilement à de nouveaux usages numériques, chez soi ou en mobilité. Par exemple, il sera possible de visionner des vidéos ou la télévision depuis son mobile, y compris durant ses déplacements. La 4G est également un levier porteur de développement, facilitant l’accès à des services de télémédecine ou aux cours sur Internet, également appelés « Massive Open Online Course » (Mooc) des plus grandes universités américaines.

Comment les licences vont-elles être attribuées ?

Pour la première fois au Sénégal, l’Etat aura recours à un mécanisme d’enchères pour attribuer des licences d’établissement et d’exploitation de réseau de télécommunications. Cette approche innovante est déjà employée dans la plupart des pays développés, et a aussi été adoptée dans des pays émergents, comme au Maroc. Les enchères sont un mécanisme transparent, qui permet une attribution efficace de la ressource spectrale, qui est une ressource rare. Ainsi, le mécanisme d’enchères vise à attribuer le plus de spectre possible, et à maximiser la valeur totale pour l’Etat, tout en respectant les choix des opérateurs télécoms. Au final, ce sont eux qui proposent une offre de prix pour les licences et fréquences. L’enchère permet d’obtenir le juste prix, dans l’intérêt de tous, et d’abord celui des consommateurs sénégalais.

Pouvez-revenir sur le fonctionnement de ce mécanisme d’enchères ?

Les enchères ont été conçues en tenant compte des spécificités de notre pays ainsi que des caractéristiques techniques de la ressource spectrale à attribuer. Ainsi, l’Etat a choisi des enchères fermées, à un seul tour, pour leur simplicité et rapidité de mise en œuvre. Il s’agit d’enchères dites combinatoires, c’est-à-dire portant sur des combinaisons de blocs de fréquences, que nous appelons des « lots ». Le spectre à attribuer a ainsi été découpé en 5 lots. Ces lots ont été définis de sorte à garantir, à chaque opérateur, une quantité minimale de spectre suffisante pour développer la 4G, tout en encourageant une dynamique concurrentielle sur les autres lots. Les opérateurs qui souhaitent plus de spectre que le lot minimum, devront se porter sur les lots augmentés.

Quelles sont les bandes de fréquences prévues pour la 4G ?

Les fréquences concernées par la 4G sont réparties entre 3 bandes de fréquences. Il s’agit de la bande des 700 MHz, la bande des 800 MHz, et la bande des 1800 MHz. Ce sont trois bandes très attractives pour les opérateurs télécoms. Les bandes de 700 et 800 MHz sont intéressantes pour couvrir largement le territoire, et la bande des 1800 MHz, qui avait servi à l’expérimentation, permet de répondre aux besoins de capacité, notamment dans les zones denses. Ces bandes sont libres actuellement (la 1800) ou en partie occupée par la Télévision analogiques (pour une partie de la 700 et la 800), mais en cours de libération pour la 4G avec la transition vers la Télévision numérique terrestre (Tnt).

Combien de temps l’Etat a-t-il prévu pour l’attribution définitive des licences et fréquences 4G ?

Nous avons prévu d’attribuer les licences et les fréquences 4G dans un délai total de trois (3) mois, ce qui nous amène à février 2016. Ce délai comprend une période de deux mois pour permettre aux opérateurs souhaitant participer à la procédure de préparer leur dossier de candidature. Déjà, les autorités et les services de l’Etat sont mobilisés pour réussir à tenir ces délais qui sont courts au regard des pratiques internationales. Et nous remercions d’avance les opérateurs, qui devront fournir un gros travail pour préparer leur candidature.

Qui peut être candidat dans cette opération ?

Pour confirmer son rôle de garant de l’équilibre économique et de sécurisation des investissements sur le territoire national, l’Etat a décidé que le processus d’attribution des licences 4G sera réservé dans un premier temps aux seuls opérateurs présents sur le territoire national. Le nombre maximal de licences pouvant être attribuées est de trois, dans la limite d’une licence par opérateur. Ainsi, chaque opérateur répondant aux conditions techniques, économiques et financières aura une chance de se voir attribuer une licence et des fréquences 4G.

Quelles sont les engagements attendus des opérateurs qui seront retenues au terme du marché en ce qui concerne la sauvegarde des intérêts des consommateurs ?

Il faut noter qu’une licence est toujours adossée à un cahier de charge qui précise les conditions d’exploitation du réseau. Dans la 4G, il y a un certain nombre d’engagements attendus des opérateurs. Par exemple, en termes de couverture, il a été retenu d’assurer un taux de 65% de la population en cinq (5) ans et 85% dans une dizaine d’années. Les opérateurs doivent également s’engager à couvrir les principaux axes routiers et l’ensemble des capitales régionales d’ici aux cinq prochaines années. En somme, des engagements pour une bonne qualité de service.

Dans un contexte marqué par de gros investissements à travers les projets du Pse, la 4G peut-elle contribuer à « booster » la croissance au Sénégal ?

La 4G va non seulement contribuer à résorber le gap numérique au Sénégal à travers une bonne couverture du territoire, mais aussi, il est attendu de cette licence, l’augmentation du secteur des télécommunications dans le Produit intérieur brut (Pib). Avec la 4G, on va développer le service à valeur ajoutée. D’autres secteurs économiques vont également sentir les effets de ce développement technologique. Aujourd’hui, il est admis que le secteur des Technologie de l’information et de la communication (Tic) constitue un moteur dans le développement économique d’un pays. L’ambition de l’Artp est de faire en sorte que la technologie 4G soit profitable aux usagers et aux entreprises. Les entreprises auront, par exemple, le même confort d’utilisation qu’elles avaient avec l’Adsl. Je suis convaincu que la 4 G va apporter un plus au développement de l’économie numérique dans notre pays.

Propos recueillis par Seydou Prosper Sadio / Le Soleil

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