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Samedi 13 Juin 2009. Centre ville de Dakar. Je suis à la « Salle des ventes ». Ne vous fiez surtout pas à cette appellation, car il s’agit bien ici d’une surface à ciel ouvert, étendue à perte de vue, où les allées étroites constituent le seul chemin

possible que l’on puisse se frayer au milieu du méli-mélo d’objets et de produits électroniques d’occasion. De part et d’autres, des kiosques, des boutiques, des hangars, des baraques « de fortune » avec des enseignes qui se disputent la vedette au même moment où leurs propriétaires respectifs vous accostent ou vous interpellent pour essayer de vous vendre « à tout prix » leurs produits et denrées “rares”. Bienvenue dans le marché de l’informel au Sénégal !

Aujourd’hui, les produits informatiques et électroniques d’occasion font l’affaire dans 80% des cas. Outre la réduction du prix initial entre 60 et 80%, le matériel d’occasion est souvent plus fiable qu’un matériel grand public neuf. En effet, Sur les 197 millions de PC mis au rebut en 2007, 44 % ont été reconditionnés pour le marché de l’occasion, soit une augmentation de 22 % en deux ans” constate le cabinet Gartner dans une récente étude. Ce sont ces ordinateurs qu’on retrouve sur les marchés d’Alaba à Lagos (Nigéria) ou de Sandaga à Dakar en provenance de Dubaï, de Hong-Kong ou de Shangaï.
Au Sénégal, comme dans bien d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, le secteur informel occupe une place de choix dans l’économie nationale, allant jusqu’à générer 97% de création d’emplois selon les statistiques de la Banque mondiale. Aujourd’hui, alors que les perspectives économiques en Afrique (PEA) 2008/09 viennent d’être publiées et annoncent une prévision de la baisse du taux de croissance du continent de (5 pour cent sur ces cinq dernières années à 2,8 pour cent en 2009), les experts soulignent que la diffusion de certaines innovations en matière de TIC en Afrique permettront le développement et la stabilité des marchés, en réduisant les coûts et en surmontant les investissements liés aux infrastructures. Au nombre de ces applications innovantes, qui ont pour l’instant encore un faible taux de pénétration sur l’ensemble du continent, on cite la banque en ligne, les paiements électroniques, l’agriculture électronique, le commerce en ligne, l’administration en ligne et l’éducation à distance.

Même si les investisseurs dans le secteur des TIC en Afrique se montrent confiants, on ne saurait négliger le rôle des fluctuations liées aux économies populaires et solidaires qui favorisent l’amélioration de l’environnement des affaires, avec des nouveaux usages, de nouvelles formes de communication et de nouveaux modes d’organisation réticulaire très efficaces et propres à l’informel. En effet, malgré qu’il soit parfois taxé de nombreux maux (travail au noir, manque de régulation, concurrence déloyale, activités échappant à tout type d’imposition et de contrôle…), le secteur informel constitue dans l’actuelle conjoncture économique l’un des facteurs clé qui favorise le renforcement des liens sociaux (cohésion sociale) et le retour aux valeurs de la solidarité mécanique entre acheteurs et vendeurs, unis par le recours commun au “débrouillardisme africain” pour surmonter la léthargie de la pauvreté ambiante.
Que ce soit avec des « bana bana », des « modou modou » (Sénégal), des « pousse-pousse » du marché Dantokpa (Bénin) ou encore des « nana benz » (Togo), une complicité tacite se noue entre les citoyens et ces différents micro-entrepreneurs et hommes d’affaires…. L’argent est évidemment au centre de cet éco-système commercial et industriel et sa circulation reste impressionnante au vu de la rapidité des transactions à l’intérieur du « réseau » et d’un bout à l’autre de la chaîne de solidarité.

Se construit alors le puzzle d’un jeu socio-urbain, plus réel que virtuel, et qui, à en croire certains vendeurs que nous avons questionnés, comporte tout de même des règles : la facilité d’accès aux activités, l’utilisation de ressources locales, la propriété familiale des entreprises, l’échelle restreinte des opérations, l’utilisation de techniques simples et le nombre réduit de travailleurs, l’acquisition des qualifications et de l’apprentissage en dehors du système scolaire officiel, …

L’exemple de la ville de Touba est très souvent citée pour illustrer la dynamique d’intégration des TIC dans les habitudes de fonctionnement des commerçants et autres opérateurs économiques. Alors que dans les années 80, il était impensable pour les acteurs économiques de cette ville de faire recours aux TIC, aujourd’hui, ce sont des milliers de jeunes informaticiens qui appuient et assistent les commerçants “mourides” dans leurs transactions commerciales. La puissance des réseaux et outils techniques de communication est décuplée par la formalisation de ces échanges informels, à caractère horizontal, au sein des communautés et groupes socioculturels. Ceci entraîne, par une sorte d’effet d’avalanche, des économies de grappe qui cependant restent fragilisées compte tenu de la faible rentabilité des activités et de l’insuffisance des recettes accumulées par les petits acteurs. Ceux-ci laissent alors des parts de marché pour les grosses entreprises privées du secteur des TIC.

Mais quelle que soit l’échelle à laquelle on se positionne, l’observation des frontières entre formel et informel paraissent de plus en plus floues car les acteurs clé du secteur des TIC en Afrique semblent avoir inventer des méthodes informelles pour faire converger leurs différents intérêts au profit d’un système formel de productivité plus organisé qu’on ne l’imagine, et qui heureusement laisse entrevoir la diffusion des TIC comme moteur de la croissance dans de nombreux pays africains à l’instar de la Tunisie, du Maroc, du Sénégal, de l’Afrique du Sud, ou du Nigéria,…

Source : web2solidarite.org

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