Le 1er Septembre 2015, l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) procédait au lancement officiel de la portabilité des numéros au Sénégal. Un service qui permet aux utilisateurs de conserver leurs numéros de téléphone lorsqu’ils décident de changer d’opérateur. Selon l’ARTP, cette portabilité permettrait aux­ utilisateurs d’accéder à une meilleure qualité de services mais surtout bénéficier d’une baisse des tarifs des opérateurs.

Le 09 Septembre 2015, L’Association des Utilisateurs des TIC au Sénégal (ASUTIC) exprimait déjà des réserves sur les bénéfices de la portabilité au Sénégal pour­ les utilisateurs. Elle estimait que les conditions de succès d’un tel service n’étaient pas encore réunies, compte tenu des caractéristiques actuelles du marché du mobile. Ce dernier est un oligopole, peu concurrentiel, dominé par un opérateur puissant. En plus, il y a presque exclusivement que du prépayé dans un environnement marqué par une floraison de téléphones double SIM.

Malgré tous ces facteurs qui pouvaient être des causes d’échec, la portabilité aurait pu avoir des chances de succès si dans sa mise en œuvre, l’ARTP avait exigé des opérateurs un dispositif de signal sonore permettant d’identifier chaque opérateur, gage de transparence des tarifs.

En effet, avec la portabilité, sans un signal sonore pour chaque opérateur, les tarifs appliqués pour un appel ne peuvent être connus à l’avance. Lorsque quelqu’un téléphone de son portable vers un autre appareil mobile, il lui est impossible de savoir s’il appelle sur un numéro dans le même réseau ou dans un autre du fait que l’appelé peut avoir transféré son numéro de l’opérateur d’origine, généralement identifiable par le préfixe, vers un autre operateur. Ainsi les sénégalais sont dans un flou total à cause de ce manquement dans la mise en œuvre du service de portabilité au Sénégal. Et depuis le 1er Septembre 2015, les Sénégalais ignorent le réseau de leur correspondant quand ils placent un appel.

Pire encore, l’ARTP est incapable depuis 1 an de collaborer avec les opérateurs pour la mise en place de ce signal de transparence. Ainsi, l’utilisateur qui achète une des offres d’abondance que font les opérateurs (Magik Chrono pour Expresso, Illimix pour Orange, et Tawfekh pour Tigo), risque de perdre son argent. Voilà la situation désastreuse et préjudiciable aux consommateurs créée par ce régulateur. Ainsi, au lieu de réguler le marché des télécoms au Sénégal au profit des consommateurs, l’ARTP le dérégule.

Mais il est satisfaisant de constater qu’un des opérateurs, en l’occurrence Tigo, a lancé dernièrement une offre attrayante: Jotaay et plus particulierement Jotaay Confort. Une offre qui dynamite les tarifs vers la baisse­: 10 heures d’appels vers tous réseaux, 1 heure d’appel vers l’international, plus 3GO de connexion internet pour 10 000 Fcfa valable 1 mois. Ainsi tous les Sénégalais qui veulent diviser au moins par 5 leur budget TIC (téléphone et connexion internet réuni) ont maintenant la possibilité avec cette offre qui peut satisfaire les besoins de tout utilisateur moyen. Et pour bénéficier de cette offre les utilisateurs n’ont pas besoin d’acheter une puce Tigo, il leur suffit juste d’utiliser le service de portabilité qui est gratuit et dure 24 heures avec 2 heures de latence et ainsi changer d’opérateur. Nous espérons que cette offre de Tigo fera tâche d’huile et que, par l’effet de la concurrence, les autres opérateurs proposeront aux consommateurs des tarifs aussi avantageux.

Pour l’heure, des 3 operateurs (Expresso, Orange, Tigo), Orange a les tarifs les plus élevés. Jugez-en vous-même­:

  • Tarif à la seconde d’Orange 1,99 Fcfa, Expresso et Tigo sont à 1,90 Fcfa­;
  • Offres d’abondance au prix de 5000 Fcfa (Expresso et Tigo), avec des minutes vers tous réseaux, valable 1 mois. A Orange, il n’y a ni d’offre valable 1 mois encore moins de minutes vers tous réseaux, sa stratégie est d’enfermer les Sénégalais dans son propre réseau à leur grand détriment. Ainsi l’offre maximale d’Orange est valable une semaine, sans minutes vers tous réseaux au prix de 9 900 Fcfa. Pire encore, au moment où les 10 heures d’appels vers tous réseaux sont à 10 000 Fcfa chez Tigo pour une validité d’un mois, à 19 000 Fcfa Hors Taxes chez Expresso, elles sont au prix de 32 400 Fcfa Hors Taxes à Orange.
  • Et rien qu’un 1 GO de connexion mobile est facturé par Orange à 3 500 Fcfa Hors Taxes pour le postpayé et 4 000 Fcfa TTC pour le prépayé valable 1 semaine­;
  • Tout ceci sans compter avec le monopole inacceptable depuis 20 ans sur le réseau filaire, construit avec l’argent du contribuable sénégalais où Orange pratique des tarifs Wifi hors de portée de la bourse de la majorité des utilisateurs.

Pourtant Orange, qui dispose des tarifs les plus élevés du marché, aurait dû avoir les offres les plus attrayantes pour les sénégalais. En effet, cet opérateur a toujours été soutenu et protégé par les gouvernements du Sénégal au détriment d’Expresso et de Tigo. Orange a bénéficié de toutes les faveurs des autorités sénégalaises depuis 20 ans, avec en prime un régulateur qui n’a jamais travaillé pour la création des conditions d’une concurrence saine et loyale avec les 2 autres opérateurs. Le dernier soutien du gouvernement est celui d’avoir donné en catimini des fréquences 4 G à Orange en oubliant Expresso et Tigo. Ainsi au plus fort de sa puissance, Orange est l’opérateur qui fait le plus de mal au budget TIC des sénégalais avec le soutien des autorités.

Aujourd’hui après 1 an de portabilité, à l’heure du bilan, le chemin à parcourir reste entier car les données manquent pour évaluer le service par rapport aux objectifs déclarés par L’ARTP, lors de son lancement, le 1er Septembre 2015. Tout au plus, ce régulateur spécialisé dans l’organisation de séminaires, conférences internationales et conférence de presse gaspillant ainsi des milliards du Peuple Sénégalais en budget de fonctionnement, a divulgué, selon la presse, quelques chiffres depuis Saly (Mbour) lors d’un séminaire. Les chiffres avancés, 3183 portages sur 15 millions d’abonnés, étaient déjà en décembre 2015, les signes précurseurs d’un échec de L’ARTP. Ainsi on comprend ce régulateur qui adore parler à la presse, son silence total sur l’impact de la portabilité sur le marché des télécoms. Dans aucun de ses rapports trimestriels, L’ARTP n’a donné d’indicateurs ni sur le nombre de personnes qui ont utilisées le service, ni sur l’amélioration de la qualité du service, encore moins sur l’évolution vers la baisse des tarifs des opérateurs.

En plus de tout ce qui précède, il y a une absence totale de communication sur ce nouveau service, juste quelques affiches à Dakar et spots à la télévision, le Sénégal des profondeurs est oublié par l’ARTP. La conséquence est que la majorité des Sénégalais ne sait même pas que le service existe, ou si elle est au courant, n’en comprend pas le fonctionnement.

Manifestement le Sénégal dispose d’une autorité qui travaille contre ses intérêts. Dépenser des milliards du Peuple Sénégalais pour aboutir à un échec, en termes d’incompétence on ne peut pas faire mieux que l’ARTP. Ce pays ne peut se le permettre de qui que ce soit fut elle une autorité administrative indépendante.

L’Association des Utilisateurs des TIC au Sénégal (ASUTIC) ­:

  • Exige de l’ARTP la mise en place d’un signal sonore pour chaque opérateur­;
  • Demande à l’ARTP de procéder à une régulation asymétrique des tarifs d’interconnexion car leurs baisses symétriques a montré ses limites­;
  • Exhorte l’ARTP à procéder au dégroupage de la boucle locale pour qu’enfin le monopole de 20 ans d’Orange sur le réseau filaire soit cassé pour une baisse des tarifs du Wifi.
  • Rappelle à l’ARTP qu’un service n’est utile que si les destinataires sont au courant de son existence. Aussi une campagne de communication doit-elle être déroulée sur la portabilité sur toute l’étendue du territoire national et dans les langues locales les plus parlées­;
  • Invite l’ARTP à accompagner cette dynamique de baisse des tarifs enclenchée par Tigo au grand bénéfice du Peuple Sénégalais, en mettant en œuvre tous leviers de régulation à sa disposition.

Fait à Dakar, le 31 Août 2016
Le Président Ndiaga Gueye
Courriel­: infos@asutic.org
ASUTIC

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