Les acteurs TIC sénégalais prononcent de plus en plus le mot « écosystème » Dans cet article j’analyse l’écosystème entrepreneurial TIC décomposé en 6 composantes : politiques publiques, structures d’accompagnement, capital humain, culture entrepreneuriale, financement, marchés.

1) Politiques publiques

Traditionnellement, le rôle du gouvernement se limite à créer les conditions de l’émergence d’un écosystème entrepreneurial florissant. Ce, à travers la mise en place de structures d’accompagnement, de régulation mais aussi à travers des mesures incitatives. Au Sénégal, plusieurs structures étatiques jouent ce rôle. Il s’agit de L’ARTP qui régule le secteur des télécommunications & des postes, de l’ADEPME qui offre des services non financiers aux PME, de l’APIX qui accompagne les industries & grandes entreprises et des services étatiques compétents.

Les politiques en matière de promotion des TICs ont valu au Sénégal la première place sur le plan de la contribution de l’internet au PIB en Afrique selon McKinsey (2013).

Sur le plan financier, l’état a récemment mis en place le FONGIP, le FONSIS & la BNDE pour faciliter l’accès au capital & aux garanties souvent inaccessibles aux entrepreneurs. L’opérationnalisation de ces trois structures est en cours.

L’Etat a aussi diminué le capital requis pour les SARL de 1 million à 100.000F. Le FDSUT corrige la fracture numérique interne à travers le financement de programmes qui touchent les couches les plus défavorisées.

Sur le plan de la recherche, en plus du grand prix du chef de l’état pour l’innovation, des centres de recherches et d’essai ont été ouverts dans plusieurs localités du Sénégal pour favoriser une circulation plus fluide des idées entre le monde académique et le monde économique.

Les décisions présidentielles 1 & 2 issues du conseil présidentiel de 2013 réorientent l’enseignement supérieur vers les STEM & mettent les TICs au cœur de l’enseignement supérieur.

2) Structures d’accompagnement

Le réseau des structures d’accompagnements du Sénégal est le maillon le plus dynamique de l’écosystème entrepreneurial. Inexistantes il y a quelques années, le Sénégal compte plus d’une douzaines de structures qui accompagnent l’écosystème (incubateurs, hub technologiques, multinationales & organismes internationaux). A Dakar, pas une semaine ne passe sans qu’il y ait un événement qui réunisse la communauté TIC : Compétition, Forum, Conférence, Formation, Rencontres de la communauté etc.

Né d’un partenariat public privé, l’incubateur CTIC est au cœur des activités d’accompagnement de l’écosystème sénégalais. Il y a aussi Jokkolabs un réseau international de hubs, Synapse Center, Jiggen tech hub , Rufisque tech hub pour ne citer que ceux-la.

Les structures d’accompagnement c’est aussi les multinationales comme Google ou Microsoft qui supportent des communautés de développeurs, d’étudiants & de professionnels des TICs.

C’est aussi les communautés : au premier rang desquels figure Dakar LUG, fondé il y a près de 10 ans, Dakar LUG fut l’un des premiers éléments de l’écosystème TIC Sénégalais. Par la suite, des dizaines d’autres communautés ont vu le jour.

Les operateurs de téléphonie mobile, en particulier Orange, accompagnent aussi l’écosystème.

Enfin, il y a OPTIC qui fait figure de patronat TIC, la société sénégalaise de l’information ISOC, la fondation des incubateurs FICTIS & l’observatoire des systèmes d’information OSIRIS.

3) Capital humain

Les universités, instituts supérieurs & écoles d’ingénieurs mettent sur le marché des centaines de diplômés chaque année. Idem pour les écoles de commerce & de management.

Globalement, l’offre de formation dans le domaine des TIC est correcte. Le capital humain est disponible & accessible pour les entreprises locales. Le problème se situe au niveau de la densification du tissu des entreprises TIC qui suppose la préexistence d’une culture entrepreneuriale forte & d’un capital privé accessible.

4) Culture entrepreneuriale

La société sénégalaise privilégie davantage les emplois sécurisants dans le secteur public & privé. En revanche, la saturation du marché de l’emploi sénégalais pousse davantage de jeunes à entreprendre en particulier dans le secteur des TIC ou l’on note plusieurs « success stories ».

5) Financement

Le Sénégal, à l’instar des autres pays de la sous région, est caractérisé par une quasi-inexistence de fonds de capital risque ou de capital d’amorçage émanant du secteur privé. De ce fait, le financement des startups TIC est assuré de manière collégiale par les incubateurs, hub technologique & autres organismes qui organisent périodiquement des compétitions (e.g Grand prix FDSUT, Startup weekend, Tekki 48) à l’issue desquels un fond d’amorçage est remis aux plus méritants. D’autres options existent: la contribution des amis et parents, l’emprunt & le crowdfunding (une méthode innovante et prometteuse).

6) Marchés

L’explosion du marché des terminaux de connexion & du nombre de résidents urbains qui se connectent quotidiennement à internet prouve l’existence d’un marché large & croissant.

En l’espace de quelques années, une véritable économie numérique qui s’articule autour des plateformes, produits & services est née. En atteste le poids d’internet sur le PIB sénégalais évalué à 3.3%.

La baisse continue du coût d’acquisition des terminaux et par conséquent du coût d’accès à internet devrait être considérée comme une aubaine pour les entrepreneurs du web. D’où l’importance d’une prise en charge holistique de l’écosystème entrepreneurial afin d’en résoudre les deux principaux goulots d’étranglements que sont l’accès au capital & une culture entrepreneuriale forte.


Tayib Fall
Spécialiste en Entrepreneuriat & TIC. Ancien délégué de la jeunesse sénégalaise auprès de l’UIT et ancien boursier Fulbright à l’Université de Californie, Tayib a piloté les programmes universitaires de Google en Afrique avant de revenir à Saint-Louis pour accompagner l’écosystème technologique naissant.
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