Depuis la fin du mois de février 2015, il est difficile, voire impossible, aux abonnés de la Sonatel, d’utiliser Viber et Whatsapp, applications qui ont pour dénominateur commun de permettre aux internautes de téléphoner ou d’envoyer des SMS gratuitement via Internet. Par contre, les abonnés de Tigo ou d’Expresso, continuent à utiliser ces applications le plus normalement du monde ce qui montre bien que le problème ne se situe pas du côté de ces dernières. Cette situation qui n’est pas nouvelle, puisqu’elle s’était déjà produite en novembre 2013, interpelle bien entendu les consommateurs qui l’ont immédiatement dénoncée, notamment à travers les réseaux sociaux. Elle interpelle également la Sonatel, qui en l’espèce est le principal intéressé, pour ne pas dire incriminé, mais comme d’habitude en la matière c’est le silence radio total. Pourtant l’opérateur historique nous a habitué à une communication des plus réactives et des plus agressives lorsqu’il s’agit de présenter ses innovations technologiques, ses réalisations techniques, ses nouveaux produits et services ou encore ses résultats financiers. Quelque part, cette attitude n’a rien de surprenant car les opérateurs présents sur le continent africain sont coutumiers des faits et essayent régulièrement, s’appuyant sur des moyens plus ou moins légaux, de dissuader les internautes de recourir aux applications comme Skype, Viber, Whatsapp et autres qui permettent à leurs clients de s’affranchir de leurs coûteux services pour téléphoner ou envoyer des SMS. Afrique du sud, Egypte, Ethiopie, Gambie, Maroc, RCA, etc., la liste des pays africains qui bloquent, officieusement, officiellement, régulièrement ou temporairement, ce type d’applications est malheureusement assez bien garnie. Quoi qu’il en soit, les internautes ne sont pas restés les bras croisés et nombre d’astuces techniques sont d’ores et déjà proposées sur les réseaux sociaux pour contourner le blocage actuel. Beaucoup plus surprenant est par contre le silence assourdissant de l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) qui fait écho au silence « compréhensif » de la Sonatel. En effet, l’ARTP, qui n’aime pas se faire appeler le gendarmes des télécoms, bien que ce rôle lui soit assigné par la loi, semble oublier que le Code des télécommunications adopté par l’Assemblée nationale le 14 février 2011 dispose en son article 6 que « Les opérateurs doivent respecter l’égalité de traitement des usagers » et que « L’accès de ces derniers aux réseaux de télécommunications ouverts doit être assuré dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires » et que par conséquent ils ne sont pas autorisés à bloquer l’accès de certains services à leurs utilisateurs. L’ARTP ne semble pas non plus faire grand cas du fait que, l’exposé des motifs de la loi portant Code des télécommunications, le prend en compte « l’affirmation du principe de la neutralité technologique de la réglementation des télécommunications et des TIC » et que par conséquent les opérateurs de télécommunications ne sauraient, sous quelques prétexte que ce soit, bloquer l’accès à certaines applications. Si comme on peut s’en douter, la Sonatel déclare dans quelques jours qu’il n’a jamais été dans ses intentions (officielles) de bloquer l’accès à ces applications et qu’il s’agit d’un simple problème technique, cela ne dédouanera pas pour autant l’ARTP d’avoir failli à l’application de l’article 104 du Code des télécommunications qui dispose que « L’autorité de régulation assure le contrôle du respect de la réglementation des télécommunications et du respect par les opérateurs titulaires de licence des obligations de leur cahier de charges » ce qui implique bien entendu la fourniture d’un service de qualité par les opérateurs de télécommunications. Comme on le voit, les intérêts des usagers des réseaux de télécommunications sont bien peu protégés et à défaut d’être un gendarme, l’ARTP pourrait au moins jouer un rôle d’arbitre, faire respecter son autorité, appliquer la loi et en conséquence pénaliser les contrevenants en sifflant des fautes et en décernant des cartons jaunes ou rouges, afin que nul n’en ignore, plutôt que de continuer à laisser les utilisateurs des réseaux et services de télécommunications à la merci d’opérateurs qui semblent oublier qu’ils n’ont pas seulement le droit de réaliser de juteux bénéfices mais qu’ils ont également des obligations, au premier rangs desquels la fourniture d’un service de qualité à leur clientèle et le devoir d’informer immédiatement des problèmes techniques auxquels ils peuvent faire face.

Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales
OSIRIS

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