C’est le 16 juin 2006 à Genève (Suisse) qu’a été signé à l’issue de la Conférence régionale des radiocommunications (CRR-06) de l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’accord prévoyant l’adoption du tout numérique pour les services de radiodiffusion sonore et télévisuelle terrestre fixant comme date butoir le 17 juin 2015 pour le passage à la radiodiffusion numérique. Membre de l’UIT, le Sénégal a signé cet accord qui, compte tenu de ses nombreuses incidences sur la chaine de valeur en termes de contenus, de production, de diffusion et de réception, impliquait de nombreuses mises à niveau techniques et était lourd de conséquences politiques, économiques, culturelles et sociales. Du fait de l’ampleur des enjeux, la logique aurait voulu que soit aussitôt mis en place une structure nationale multi-acteurs chargée de la préparation de la transition de l’analogique au numérique mais il n’en fut rien. Confondant les notions d’intervalle et de borne, les autorités officielles s’inscrivirent, consciemment ou inconsciemment, dans une perspective dans laquelle la transition devait s’effectuer en 2015 et non d’ici 2015. Cette attitude aura pour résultat que pendant quatre précieuses années, rien ou presque, ne sera entamé pour préparer cette échéance critique jusqu’à ce que soit créé le Comité national pour le passage de l’audiovisuel analogique au numérique (CNN) par l’arrêté n° 7593 en date du 26 août 2010. Bien que comparaison ne soit pas raison, en France, le passage au numérique se fit en plusieurs étapes commençant à la fin de l’année 2009 pour la moitié Nord du pays pour se terminer le 29 novembre 2011 pour la moitié Sud. Le CNN s’attela à consulter les acteurs, élaborer des études et mobiliser des moyens jusqu’à ce le Président de la république Macky Sall, peu satisfait de la vitesse à laquelle se déroulait le processus, décide à travers le décret n° 2013-1432 du 12 novembre 2013 de la création du Comité de pilotage de la transition de l’analogique vers le numérique (CONTAN) alors que nous n’étions plus qu’à dix-huit mois de l’échéance. Dès lors les choses s’accélérèrent et en janvier 2014 un appel d’offres international fut lancé pour la fourniture d’une infrastructure de télévision numérique terrestre qui fut remporté, en août 2014, par le Groupe Excaf Télécom. Pour le financement de cette opération, un montage fut mis en place dans lequel le groupe Excaf Télécom apportait les 40 milliards de FCFA nécessaire à la mise en place de l’infrastructure en échange de l’allocation de quatre canaux de diffusion, dont deux destinés à diffuser des bouquets payants, pour une durée de cinq ans. Au final, le 17 juin 2015, à l’exception de la Tanzanie, de l’ile Maurice et du Rwanda, seuls pays africains ayant totalement opéré la transition numérique, le Sénégal s’est retrouvé dans le peloton des pays du continent ayant partiellement réussi le passage au numérique, diffusant désormais en analogique et en numérique sur un territoire abritant près de 80% de la population. Cela étant, pour que le processus soit totalement achevé, il faudra encore couvrir les régions de Bakel, Kédougou, Kidira, Ourossogui, Saint-Louis et Ziguinchor et surtout à faire en sorte que les Sénégalais puissent s’équiper, rapidement et facilement, des décodeurs numériques vendus au prix public de 10 000 CFA grâce, à une subvention de l’Etat, et qui sont aujourd’hui introuvables sur le marché. On peut donc conclure que compte tenu des délais et des conditions dans lesquelles le processus a été effectivement conduit, le résultat atteint est plutôt honorable lorsque l’on sait qu’un géant comme l’Afrique du sud a raté le rendez-vous du 17 juin 2015 et prévoit d’accomplir le processus de transition au numérique dans un délai compris entre 18 et 24 mois. Cela étant, et n’en déplaise aux esprits chagrins, l’essentiel reste à venir à savoir, la capacité pour les chaines et les producteurs de télévision, à relever le défi de la production de contenus numériques de qualité exportables à travers le monde entier et pour l’Etat à mettre en place une stratégie gagnante pour l’exploitation des ressources spectrales rendues disponibles. En effet, le fameux « dividende numérique » devrait notamment pouvoir être utilisé au profit de l’Internet mobile à très haut débit afin de contribuer de manière décisive à la lancinante question de la réduction de la fracture numérique. Par la même, il s’agit de mettre le signal Internet à la disposition de tous sur l’ensemble du territoire national avec des débits sans aucune mesure avec ceux qui nous sont aujourd’hui proposés dans les offres ADSL.

Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales
OSIRIS

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