La récente modification du Code des télécommunications soumet désormais l’exercice de l’activité de fournisseurs d’accès Internet (FAI) à l’obtention d’une autorisation donnée par décret suite à l’approbation d’une convention de concession et d’un cahier des charges. Cette décision fait écho à une vieille revendication des professionnels des TIC qui réclamaient la possibilité d’introduire la concurrence dans ce sous-secteur. En effet, la libéralisation du marché sénégalais des services de télécommunications s’est faite en trompe l’œil, puisqu’à l’exception de la téléphonie mobile, les autres sous-secteurs ont fonctionné sous le régime d’un monopole de jure jusqu’en 2006, puis d’un monopole de facto au profit de la SONATEL, seul opérateur à disposer d’un accès à la bande passante internationale. Suite à la connexion du Sénégal à Internet en 1996 près d’une quinzaine de fournisseurs de services Internet (FSI) avait vu le jour avec des entreprises comme Métissacana, Africanet, Arc Informatique, Cyber Business Center, PointNet, Sud Informatique, Enda-Tiers-monde, ATI, STE, inf247, etc. Cependant, en raison de l’obligation qui leur était faite de passer par la SONATEL pour accéder à la bande passante internationale et compte tenu des tarifs exorbitants pratiqués par cette dernière, sans parler de la piètre qualité des liaisons spécialisées (LS), ils seront incapables de faire face à la concurrence de Télécom-Plus, filiale de la Sonatel devenu par la suite Sonatel Multimédia, et cesseront un à un leurs activités, à l’exception d’Arc Informatique. En janvier 2014, avec la création de son département Business Solutions & Services, Expresso se lancera bien dans la fourniture de LS destinées aux entreprises mais cette activité ne constituera jamais une véritable alternative à l’offre de la SONATEL. Il en sera de même après le lancement de Tigo business en mai 2015 par l’opérateur Tigo avec la commercialisation de LS Internet, radio ou en fibre optique. En novembre 2016, l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARTP) lança un appel d’offres pour l’attribution de trois licences de FAI, initiative qui fut accueillie de manière mitigée, l’ouverture à la concurrence étant appréciée tandis que le choix d’attribuer des licences était dénoncé par les professionnels du secteur. Au final, l’Etat attribua trois licences à Waaw Sa, Africa access et Arc informatique, sociétés de droit sénégalais, qui ont reçu leur concession et cahier de charges avec, pour chacune, l’obligation de couvrir une des trois zones du pays avant de pouvoir couvrir d’autres zones. Plusieurs questions se posent suite à cette décision pour le moins ambiguë de l’ARTP. Tout d’abord, pourquoi limiter les concessions à trois alors que l’objet même de la nouvelle loi est de favoriser l’éclosion de multiples offres concurrentes pour donner aux populations le choix le plus varié possible. Ensuite, les conditions exigées pour bénéficier d’une convention, incluant l’exigence d’une présence de dix ans dans le secteur, constitue mur infranchissable pour de très nombreux acteurs pourtant capables d’offrir une connexion internet de qualité, en dehors des opérateurs de télécommunications, qui ont été écartés du processus d’attribution des concessions FAI. Enfin, il reste à voir comment ces sociétés, autorisées tardivement à s’implanter sur le marché, sans le droit de disposer de leurs propres infrastructures pour l’accès international au réseau Internet seront en mesure de concurrencer effectivement la SONATEL qui possède l’avantage de disposer d’une importante clientèle, d’une grande surface financière, de ressources humaines en quantité et en qualité, de la couverture de son réseau et de sa force de frappe publicitaire. En somme, nous risquons d’assister au combat de David contre Goliath et dans ces conditions, il n’est pas sûr que les fruits tiennent la promesse des fleurs et que les utilisateurs puissent bénéficier d’une baisse substantielle des tarifs, d’une amélioration de la qualité de service et d’une diversification de l’offre avec notamment l’augmentation des débits proposés.

Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales
OSIRIS

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