Jusqu’à la dernière minute, l’on pouvait encore douter du fait que le gouvernement américain tienne sa promesse de donner à l’ICANN son indépendance, mais c’est fait. Après presque deux décennies, l’autorité suprême de régulation de l’Internet chargée notamment l’adressage IP ou encore l’attribution des noms de domaine de premier niveau vient de sortir de la tutelle des États-Unis, en direction d’un modèle de gouvernance multipartite de l’Internet.

Après les efforts du sénateur Ted Cruz pour empêcher le gouvernement Obama de renoncer au contrôle de l’ICANN puis le soutien de Donald Trump, le dernier mouvement de résistance contre l’indépendance de l’organisation a été lancé par les procureurs généraux des États de l’Arizona, du Texas, de l’Oklahoma et du Nevada, à travers une requête en justice. Ces derniers estiment que l’ICANN, qui est une société de droit californien, est la propriété des États-Unis. Et selon la Clause de Propriété de la Constitution américaine, le gouvernement n’a pas le droit d’abandonner une de ses propriétés sans l’autorisation du Congrès. Ils expliquent également que l’administration Obama viole ainsi le Premier Amendement à la Constitution des États-Unis et la Loi sur la procédure administrative, en agissant au-delà de l’autorité légale.

Cette poursuite n’a toutefois pas permis d’annuler la transition de l’ICANN vers un nouveau modèle de gouvernance. La requête de ces procureurs généraux a en effet été rejetée par le tribunal fédéral de Galveston, au Texas. Comme c’était prévu, l’administration nationale des télécommunications et de l’information (NTIA) du département américain du Commerce a donc annoncé la fin du contrat du gouvernement US avec l’ICANN. « Ce moment historique marque le transfert de la coordination et la gestion des identifiants uniques de l’Internet au secteur privé, un processus qui a été engagé et est en cours depuis 1998 », écrit l’ICANN dans un communiqué. Mais qu’est-ce que cela change exactement ?

« Les internautes ne verront aucun changement ou différence au niveau de leur expérience en ligne », souligne l’ICANN sur son blog. Pour la question de savoir si certains pays pourront censurer Internet après cette transition, l’ICANN répond également qu’aucun des pays ne pourra censurer Internet plus qu’il ne peut déjà. « À l’heure actuelle, il n’y a rien à propos de l’ICANN ou son contrat avec le gouvernement américain qui empêche un pays de censurer ou bloquer du contenu à l’intérieur de ses propres frontières », a expliqué l’organisation dans sa FAQ. « L’ICANN est une organisation technique et n’a pas la compétence ou la capacité de réglementer le contenu sur Internet. Cela est vrai dans le cadre du contrat avec le gouvernement des États-Unis et restera vrai sans le contrat avec le gouvernement des États-Unis. La transition ne va pas habiliter ou interdire les États souverains de censurer » des contenus.

Pour la gestion des domaines au sein des pays, cela peut toutefois changer quelque chose, c’est ce qu’a confié Mathieu Weil, directeur de l’Association française pour le nommage Internet en coopération (Afnic). Parlant de la tutelle américaine au quotidien Le Monde, il a expliqué le 30 septembre que « jusqu’à présent, quand nous prenions une décision concernant notre domaine .fr, nous avions besoin du tampon des États-Unis pour la valider. Pour nous, c’était une souffrance symbolique », dit-il. Une situation qui devrait donc changer avec un modèle de gouvernance multipartite qui inclut plusieurs voix : des entreprises, des universitaires, des experts techniques, des membres de la société civile, les gouvernements et bien d’autres. Si pour l’ICANN, c’est « le meilleur moyen d’assurer que l’Internet de demain reste libre, ouvert et accessible comme l’Internet d’aujourd’hui », la mise en place d’une telle gouvernance, la prochaine étape, risque cependant d’être une tâche assez complexe.

Source : Developpez.comNTIA (rejet de l’action en justice contre l’indépendance de l’ICANN), Communiqué de l’ICANN, ICANN (Réponses à des questions sur la transition), Le Monde

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