Introduite au Sénégal au cours du 3ème trimestre de l’année 1996 par la Sonatel, la téléphonie mobile a rapidement connu un grand succès. En avril 1999, le secteur connaitra une première évolution de taille avec l’ouverture limitée du marché à la concurrence qui se traduira par l’arrivée de Sentel, devenu aujourd’hui Tigo. La portabilité des numéros de téléphonie mobile, à savoir la possibilité offerte au client de changer d’opérateur tout en conservant le même numéro de téléphone, ayant été identifiée comme étant un élément déterminent de la concurrence dans les pays où le marché était totalement libéralisé, dès avril 2001, le Groupe de réflexion Initiatives citoyennes réclamera, dans une tribune publiée dans le journal Le Soleil, son instauration au Sénégal. Cependant, le message ne sera pas entendu et il faudra attendre l’année 2003 pour que l’Agence de régulation des télécommunications (ART) initie une étude sur la portabilité des numéros. A l’époque, la conclusion qui fut rendue publique indiquait, sans plus de précision, que le marché n’était pas encore mûr pour mettre en place un tel service. En novembre 2008, l’ouverture du marché à la concurrence s’accentuera avec l’arrivée de Sudatel comme troisième opérateur de téléphonie mobile. A partir de cet instant, on aurait pu penser que la portabilité des numéros serait instaurée mais il n’en fut rien et pendant de nombreuses années elle constituera une véritable arlésienne, souvent annoncée mais jamais réalisée ! En 2013, la question sera relancée par le mouvement consumériste qui interpellera, Daniel Seck, Directeur général de de l’Agence de régulation des postes et des télécommunications (ARTP), qui avouera que le blocage provenait de la Sonatel alors que ses concurrents Tigo et Expresso était favorables à la mesure. Lors d’une journée de concertation organisée sur la question, les responsables de la Sonatel expliquèrent d’ailleurs qu’elle n’était pas convaincue de l’opportunité de la mise en œuvre de la portabilité, vu que les résultats obtenus dans d’autres pays n’avaient pas été déterminants sur l’évolution du marché. A la même époque, appliquant la formule, « Vérité en deçà du Sahara, erreur au-delà », Orange réclamait l’instauration de la portabilité en Tunisie, marché sur lequel il était en position de nouvel entrant ! Nommée à la tête de l’ARTP en septembre 2009, Ndongo Diao s’attaquera à son tour à la question mais il devra lui aussi faire face à l’opposition d’Orange. Il faudra attendre l’adoption d’un nouveau Code des télécommunications en février 2011 stipulant notamment en son article 86 que « L’Autorité de régulation est chargée de veiller à la définition et la mise en œuvre des conditions et modalités de la portabilité des numéros et tranche les litiges y afférents » pour que le processus soit relancé. Nommé à la tête de l’ARTP en avril 2012, Abou Lo se saisira du dossier et annoncera même en octobre 2013 qu’elle serait effective à partir du mois d’octobre 2014. Cependant, force fut de constater qu’à la date prévue la portabilité des numéros n’était toujours pas effective. En décembre 2014, Abdou Karim Sall, nommé à la tête de l’ARTP depuis juillet 2014, déclara que la portabilité serait effective dans un délai de deux mois, mais là encore, le moment venu il fallut déchanter et constater une fois de plus l’ineffectivité de la mesure ! Finalement, il faudra attendre le 1er septembre 2015 pour que la portabilité des numéros de téléphonie mobile soit effective au Sénégal dans un marché dominé par la Sonatel qui en détient 55,86%, devant Tigo qui se positionne à la deuxième place avec 22,84% des parts de marché, suivi par Expresso avec 21,30% des abonnés. A l’exception notable de l’Association sénégalaise des utilisateurs des technologies de l’information et de la communication (ASUTIC), qui estime la mesure prématurée, le lancement de la portabilité des numéros de téléphonie mobile a été saluée par l’ensemble des acteurs du secteur comme par les abonnés. Il faudra maintenant attendre de disposer de données statistiques fiables afin de pouvoir tirer un bilan de sa mise en œuvre. Toujours est-il que le premier enseignement que l’on peut tirer de l’aboutissement de ce long processus, est la grande faiblesse du régulateur, obligé de différer des mesures allant dans le sens de l’intérêt général tant que celles-ci n’agréent pas à l’opérateur historique. Il revient au pouvoir politique de mettre fin à une telle situation qui est totalement inacceptable dans un état qui se respecte quel que soit le point de vue selon lequel on se place.

Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales
OSIRIS

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