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telephone_portable_ruraleUn téléphone portable peut fournir de l’information de bien des manières
Au fil des ans, ICT Update s’est penché sur les nombreuses applications du téléphone portable au service du développement agricole et rural. Le portable s’avère si utile qu’il est probablement appelé à rester le principal outil de communication pour quelque temps encore.

Un récent rapport de la Banque mondiale note que le téléphone portable est le meilleur moyen d’ouvrir de nouveaux horizons économiques et de procurer des services essentiels à des millions de personnes. Et d’ajouter que, dans les prochaines années, la plupart des nouveaux utilisateurs qui se connecteront à un réseau de mobilophonie proviendront des zones rurales de pays en développement. Ils rejoindront ainsi les 3 milliards d’utilisateurs que comptent déjà ces pays.

Une décennie a suffi au téléphone portable pour devenir le moyen de communication le plus prisé. Une bonne partie des informations sont désormais envoyées et reçues par texto. Des messages courts, simples, pratiques et à un prix raisonnable, mais surtout dont la réception est (généralement) gratuite.

On peut aussi envoyer automatiquement le même texto à un grand nombre de personnes au même moment, ce qui n’est guère possible via des appels vocaux qui, d’une part sont plus coûteux et d’autre part, supposent que le destinataire ait son téléphone allumé et soit connecté au réseau au moment où on l’appelle. Pour les associations et les entreprises, le texto est donc le moyen idéal de toucher un public, qu’il s’agisse de lui vendre des services bancaires, de promouvoir l’usage du préservatif ou de lui communiquer le cours du maïs.

De nos jours, les fermiers ruraux peuvent recevoir des informations commerciales exactes sur leur portable. Les petits producteurs ne doivent plus courir le risque d’accepter le premier prix qu’on leur offre pour leur marchandise ; grâce à des informations actualisées, ils peuvent négocier et obtenir le meilleur prix. Ils peuvent plus facilement communiquer avec d’autres fermiers, d’où la création et l’organisation de coopératives qui vendent collectivement les produits à de plus gros acheteurs ou à de nouveaux marchés.

Feed-back positif

Les paysans des pays ACP ont aujourd’hui le choix entre divers services pour trouver toutes les informations dont ils ont besoin pour améliorer et consolider leur exploitation. Au fil des ans, plusieurs de nos articles ont décrit des systèmes d’information sur les marchés qui innovent et renforcent ce type de prestation.

Dans notre numéro 9 de novembre 2002, Daniel Annerose parlait déjà de la société sénégalaise Manobi et de son système d’information sur les marchés à destination des paysans. « L’idée de Manobi a été de développer un système de collecte des données en temps réel qui lui-même exploite les technologies Internet et mobile pour suivre chaque jour les évolutions du prix et des arrivages des produits sur les marchés. Ces données sont transmises et stockées sur une base centralisée, analysées en temps réel puis retransmises à la volée aux utilisateurs à travers une plate-forme data multi-modale unique en son genre. »

Sept ans plus tard, Manobi reste un des principaux fournisseurs d’information sur les marchés agricoles d’Afrique de l’Ouest. Tout comme Manobi, KACE (la bourse kényane des produits agricoles) s’est rendu compte que les paysans n’avaient pas seulement besoin que d’informations sur les marchés, mais aussi de communiquer avec d’autres entreprises chargées d’acheminer leurs produits vers les marchés et les consommateurs. En d’autres termes, que les paysans devaient s’insérer dans la chaîne d’approvisionnement.

Pour créer ce lien entre les paysans et les autres intervenants de la chaîne d’approvisionnement, KACE a ouvert des centres de ressources franchisés (CRF), qui communiquent les prix aux paysans par texto ; ces centres proposent aussi des services de communication (Internet, messagerie électronique et téléphone).

Toujours au Kenya, DrumNet travaille avec un réseau de points d’information ou « info-kiosques » auprès desquels les paysans obtiennent des renseignements commerciaux. Chaque info-kiosque est pourvu d’un ordinateur connecté à Internet et de téléphones portables pour appeler la base centrale, située a Nairobi. C’est cette base de données qui centralise les informations en provenance des quatre coins du pays et les renvoie ensuite vers les info-kiosques et les portables des paysans.

On retrouve le même genre de prestation en Afrique de l’Est, avec notamment le projet FICOM (Farmers Information Communication Management) qui desservait à l’origine les producteurs laitiers ougandais, ou encore FoodNet qui diffuse des informations sur les marchés via la mobilophonie et les ondes FM.

BusyLab, une société ghanéenne de logiciels, a quant à elle mis au point TradeNet, un programme qui permet au paysan d’envoyer un texto pour proposer ses produits sur la toile. Cette information est également envoyée par texto à tous les abonnés du système qui cherchent ce produit. Ce service à l’immense avantage de diffuser les offres de produits à une vaste clientèle potentielle – tous les internautes – et de favoriser ainsi les échanges transfrontaliers, voire intercontinentaux.

L’Association nationale des organisations professionnelles agricoles de Côte d’Ivoire (ANOPACI) utilise le système TradeNet pour communiquer les cours des produits à la radio et via des panneaux d’information installés sur les marchés locaux.

À votre santé

Les textos sont aussi largement utilisés pour envoyer des informations de santé aux communautés rurales. Dans notre numéro d’avril 2009, nous vous avons parlé de la Fondation Praekelt, une société technologique sud-africaine et de son système qui récupère les caractères inutilisés des messages « Appelle-moi » (MAM) afin de promouvoir la santé. « Appelle-moi » est un service de messagerie qui permet à celui qui n’a plus de crédit d’appel d’envoyer un texto gratuit pour qu’on le rappelle. Les MAM utilisent 40 des 160 caractères normalement prévus pour un texto. La Fondation Praekelt a développé le logiciel SocialTxt, qui permet d’utiliser les 120 caractères restants pour diffuser des messages d’intérêt général.

Toujours dans le domaine de la santé, l’organisme néerlandais de recherche scientifique appliquée (TNO) a conçu un dispositif qui fixe un téléphone portable sur l’oculaire d’un microscope afin de prendre des photos (de sang infecté par le paludisme, par exemple) et de les envoyer par MMS (service de messagerie multimédia) à un laboratoire spécialisé aux fins de diagnostic. Les résultats sont renvoyés par texto au téléphone qui a pris la photo.

Le texto a beau s’avérer un support utile et efficace pour l’envoi d’informations relatives aux marchés et aux récoltes, son usage nécessite de savoir lire et écrire, voire de connaître une langue étrangère. La communication vocale, en revanche, évite cet écueil, surtout si l’on peut parler sa langue maternelle.

Difficile, par exemple, d’expliquer une procédure complexe et détaillée au travers d’un texto de 160 caractères. Une autre voie est nécessaire pour transmettre des informations plus précises concernant les récoltes ou le contrôle des ravageurs. Les émissions de radio sont efficaces pour expliquer des procédures détaillées à un grand nombre de personnes simultanément. Mais si le programme diffusé cette semaine parle de la récolte du maïs, cela n’aide pas vraiment le paysan confronté à une infection fongique sur ses plants de tomates.

Langue

En décembre 2007, nous vous avons parlé de la Ligne Infos Bananes, un projet pilote d’information « à la carte » mené au Kenya. Les paysans peuvent appeler un numéro et, via un menu vocal, écouter un enregistrement – en anglais ou en kiswahili – qui leur apporte les informations dont ils ont besoin au moment même.

Cette première expérience a donné naissance au NAFIS (National Farmer Information Service) : les agriculteurs appellent ce numéro spécial pour obtenir des conseils pour la culture de diverses variétés (maïs, tomates, mangues, haricots) ou l’élevage d’animaux (bétail, volaille, chèvres et abeilles).

En Afrique du Sud, la fondation Shuttleworth, la société de télécommunications Dabba et quelques autres partenaires ont développé le projet Village Telco. L’équipe a mis au point un routeur de base, sans fil, low-cost – baptisé « Mesh Potato » – auquel les clients peuvent se brancher via un téléphone traditionnel. Le routeur les connecte à un réseau sans fil local et le signal téléphonique est transmis vers un pôle central, généralement le cybercafé du coin.

Les clients peuvent ainsi utiliser un téléphone ordinaire, bien moins coûteux qu’un portable, pour passer / recevoir un appel vers un portable ou un numéro national, voire international. Le modèle d’entreprise du Mesh Potato incite les entrepreneurs locaux à développer leur propre réseau téléphonique local dans les zones privées où le portable ne passe pas.

Au Nigéria, la Fondation Fantsuam propose ce type de service téléphonique aux communautés rurales. Pour son réseau ZittNet, elle a préféré la technologie VoIP (Voice over Internet Protocol) à la mobilophonie. Ses clients, qui habitent (aux alentours de) la ville de Kafanchan peuvent acheter un système tout-en-un, « VoIP in a box », pour environ 50 dollars. Ils le branchent sur leur ordinateur pour se connecter au réseau et appeler les autres abonnés ZittNet ou pour se connecter aux réseaux de téléphonie fixe ou mobile à l’aide de coupons prépayés, acquis auprès d’un opérateur de téléphonie mobile.

Dans le même genre, Connect Africa installe des téléphones publics dans les zones reculées de Zambie via les opérateurs de téléphonie satellitaire Iridium Satellite et Thuraya. Ce système innove par son fonctionnement sur batteries au zinc-air, bien moins coûteuses et nettement plus facils à entretenir que les accumulateurs traditionnels au plomb et fait que les téléphones publics peuvent fonctionner y compris là où il n’y a pas de réseau électrique. Le succès du téléphone portable a en outre permis aux populations rurales d’accéder à des services financiers : transferts d’argent, épargne, crédit et assurance.

L’intelligence au pouvoir

L’essor de la mobilophonie crée aussi de nouvelles possibilités de revenus pour les entrepreneurs. En décembre 2008, nous avons évoqué l’action menée par l’organisation caritative SolarAid, qui aide des particuliers à s’équiper de panneaux solaires pour monter une entreprise de recharge de portables, de lampes et autres appareils. Elle aide aussi des écoles et des centres communautaires à s’équiper de panneaux solaires, qui leur apportent un revenu de complément au travers de services de recharge. Les portables permettent aussi aux ruraux d’avoir accès à des services financiers tels que le transfert d’argent, l’épargne, le crédit et l’assurance. [voir l’article en page 11 pour en savoir plus sur le « m-banking »]

La prochaine phase de déploiement des portables au service de l’agriculture et du développement rural passera par les « smartphones », Blackberry et iPhone notamment, qui permettent d’accéder à la toile via les réseaux de mobilophonie. Les smartphones ont envahi l’Europe et l’Amérique du Nord où la plupart des habitants peuvent facilement surfer sur le web et envoyer des courriels vers un ordinateur. Ces appareils ont certainement de l’avenir comme fournisseurs d’accès au web là où l’installation du haut débit câblé s’avère coûteuse. On n’en est qu’aux prémices, mais il ne fait aucun doute que les smartphones seront utiles pour les populations des pays ACP.

Un récent rapport de l’Unicef constate que plus de 7 millions de Nigérians naviguent sur la toile via leur portable. Dans ce pays, le nombre de pages web consultées via Opera Mini, un navigateur pour portable, a augmenté de près de 1 700 % entre janvier et septembre 2008. D’autres chiffres fournis par Opera Mini montrent que l’Afrique du Sud et l’Égypte sont les champions de la navigation par portable, suivis du Kenya et du Nigeria.

Pratiquement tous les fabricants d’ordinateurs proposent des laptops plus petits et de moins en moins chers, appelés « netbooks ». Beaucoup de projets promeuvent cette technologie, surtout dans l’enseignement, mais la question du choix entre le netbook ou le portable ne se posera pas : l’évolution technologique reposera probablement sur les deux appareils.

Il serait en effet plus logique d’avoir des portables et des ordinateurs qui tournent sous des systèmes d’exploitation compatibles afin que les utilisateurs puissent se servir des mêmes applications sur les deux appareils. L’intégration des deux technologies est assurément le meilleur moyen d’atteindre les zones rurales et de connecter les millions de personnes qui peuvent assurer la viabilité économique de cette démarche.

[readon1 url=”http://www.ictupdate.cta.int/fr”]Source : ICTupdate[/readon1]

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