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ace_mapAprès la mise en service des câbles sous-marins WACS et ACE en 2012, le continent africain aura en principe accès à de la capacité internationale à ne plus savoir qu’en faire. Malheureusement cette conclusion n’est que vraie pour les pays africains côtiers  et dans une large mesure même dans certains de ces pays, la distribution de cette capacité internationale s’arrêtera à la capitale dans un premier temps. Monrovia, la capitale du Libéria qui vient récemment d’être connecté au câble sous-marin ACE en est l’exemple type. La problématique est donc de comment accélérer le déploiement de backbones nationaux et de liens transfrontaliers entre les pays côtiers et les pays enclavés afin d’assurer une distribution de la capacité internationale et un accès aux services data au plus grand nombre de la population du continent. Isabelle Gross s’est entretenue avec Frédéric Sallet, Vice Président pour l’Afrique centrale et de l’ouest à Alcatel Lucent sur la stratégie de sa société en matière de backbones nationaux en Afrique.

Si l’on considère aujourd’hui que l’Afrique doit évoluer plus rapidement vers l’Internet et en particulier l’Internet haut débit, il reste à voir quels sont les freins et les solutions à ces freins qui permettraient aux services data de gagner en puissance. Selon Frédéric Sallet, « les principaux gros freins ont été éliminés. Il s’agit de la capacité internationale qui aujourd’hui ne fait plus problème puisque la cote ouest et la cote est de l’Afrique bénéficient d’un minimum de trois câbles sous-marins chacune. Les prix d’interconnexion ont eu aussi considérablement chutés. Enfin avec l’adoption de la téléphonie mobile et en particulier la 3G, l’accès physique au client final n’est plus un problème non plus. Un des seules challenges (mise à part le contenu qui sera accédé mais cela n’est pas vraiment au cœur des activités d’Alcatel-Lucent) qui reste à surmonter c’est le lien entre le câble (la capacité internationale) et l’utilisateur 3G (le consommateur de capacité internationale) ». Cela consiste à construire ou à renforcer les backbones nationaux et à développer les liens transfrontaliers permettant aux pays africains enclavés d’accéder plus facilement à la capacité internationale.

Dans cette perspective, Alcatel-Lucent est impliqué dans de multiples projets sur le continent. Frédéric Sallet explique « que depuis 2011, il y a une accélération des projets en comparaison par exemple avec 2009 quand il s’agissait plutôt d’idées de projet. Il est fort possible que cette accélération notée en 2011 s’accentuera entre 2012 et 2015 mais cela restera quelque peu fonction du rythme de croissance de la 3G. Quant aux projets en cours, ils ont des formes variées. Ils peuvent être initiés par des opérateurs télécoms privés qui cherchent à consolider leur présence régionale en interconnectant leurs opérations mais il peut aussi s’agir d’un consortium composé d’acteurs privés et publics du secteur des télécoms. Dans les deux cas de figures, Alcatel-Lucent joue plusieurs rôles. La société offre des conseils sur les meilleures routes et cela peut particulièrement s’appliquer à l’Afrique de l’Ouest qui est très fragmentée en terme du nombre de pays. En complément Alcatel-Lucent s’implique dans la coordination des acteurs du projet et la réalisation du backbone. Au cours des dernières années, Alcatel-Lucent a construit des backbones en Algérie, en Libye et au Maroc en ce qui concerne l’Afrique du Nord. Elle est actuellement activement impliquée dans un projet en Mauritanie avec une société minière, en Guinée avec l’opérateur Orange et au Mozambique ».

A l’heure actuelle la stratégie de construction de backbones en Afrique suit deux axes majeurs selon Frédéric Sallet. « Elle est soit le résultat d’une politique panafricaine du groupe dont fait parti l’opérateur local (comme par exemple Orange ou MTN) ou elle est le fruit d’un partenariat public-privé (PPP) entre les acteurs locaux du secteur télécom ». Certains pays africains sont plus réceptifs que d’autres à ce second type de modèle commercial. Le niveau de développement économique ainsi que le cadre légal gouvernant la construction de backbones (un monopole de l’opérateur historique versus un cadre plus libéral favorisant la concurrence comme au Nigéria ou au Kénya par exemple) sont deux facteurs qui jouent dans la structuration des investissements dans les backbones.

Dans l’ensemble tous les pays africains ont une bonne compréhension de la nécessité de construire ou de renforcer leur réseau national mais certains pays sont plus frileux que d’autres lorsqu’il s’agit de projets PPP. Pour Frédéric Sallet, « ce sont le Nigéria, le Ghana, le Sénégal et le Kénya qui sont les pays actuellement en tête en matière d’infrastructures nationales ». En Afrique centrale, la situation est moins bonne. Certains tronçons nationaux et transfrontaliers existent mais beaucoup restent à construire. Le Central African Backbone (CAB) devrait améliorer la connectivité internationale et transfrontalière entre la République Centrafricaine, le Tchad et le Cameroun si ce dernier pays veut bien comprendre la nouvelle donne en matière de capacité internationale: abondance et prix bas.

En terme de route de sortie, une alternative au Cameroun serait le Gabon ou le Congo. Les backbones qui sont entrain de se construire ou vont se construire dans les différents espaces sous-régionaux de l’Afrique constitueront un premier maillage de base qui sera suivi ou non d’un maillage plus fin fonction de la demande en capacité provenant de l’intérieur du continent. Selon Frédéric Sallet, « il est aussi important de ne pas oublier la couche services au-dessus de la couche transport en d’autres termes la couche IP qui permet d’offrir aux entreprises des services tels que le VPN (virtual private network), la vidéoconférence, etc… ».

En effet si les prix de la capacité sur les backbones nationaux et transfrontaliers suivent la tendance des prix de la capacité internationale (et il n’y a de raisons pourquoi cela ne serait pas le cas), les opérateurs télécoms d’infrastructure devront étoffer leur porte folio de services en particuliers en matière de service à valeur ajoutée sous peine de voir leur chiffre d’affaire ne pas progresser. Vendre de la capacité seule ne sera peut-être pas suffisant pour joindre les deux bouts.

Source: banlancing-act

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