apple_vs_telcos
apple_vs_telcosDepuis la fin du mois de juin, l’opérateur Orange aurait vendu 800 000 exemplaires de l’ iPhone 4. Le groupe français “pèse pour 5,6 % des 14,1 millions de téléphones qui ont trouvé preneur sur le dernier trimestre d’activité d’Apple” , assurait L’Express fin octobre. Orange, qui vient d’annoncer un chiffre d’affaires de 11,6 milliards d’euros au troisième trimestre, avait auparavant vendu près de 2 millions d’iPhone en France, tous modèles confondus, quand ses concurrents, SFR et Bouygues Telecom, ont annoncé 700 000 et 615 000 ventes. Ces chiffres sont-ils le signe que les opérateurs et la firme américaine sont parvenus à trouver un modèle économique qui bénéficie aux deux parties ?

“La situation est en réalité paradoxale”, souligne Sébastien Crozier, représentant syndical chez France-Télécom. “Le succès des terminaux d’Apple a permis aux opérateurs d’enrayer la baisse du chiffre d’affaires. Mais il a plombé leurs comptes parce qu’ils subventionnent les terminaux [NDLR : prennent en charge une partie des coûts de l’appareil, en échange de la souscription d’un abonnement téléphonique]. Cela créé un état de dépendance”, conclut-il.

APPLE, “OPÉRATEUR VIRTUEL”

Cette interdépendance est telle qu’Apple pourrait choisir de s’affranchir des opérateurs. Selon le site spécialisé américain Giga Om, le fabricant de l’iPhone travaille avec le spécialiste français de la carte à puce Gemalto sur un composant intégré dans le téléphone permettant de changer d’opérateur sans carte SIM, selon des modalités pratiques encore inconnues.

En réalité, un tel système est déjà répandu en Afrique. Dans le modèle économique qui prévaut sur le continent africain, fondé sur le prépayé et non les abonnements, le client peut choisir, grâce à des terminaux multicartes, l’opérateur le plus efficace, par exemple à une heure donnée. En reprenant ce système, Apple se muerait en “opérateur virtuel”.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le groupe de Steve Jobs veut imposer ses conditions aux opérateurs mobiles. Pour le lancement de l’iPhone en France, en novembre 2007, le PDG d’Apple avait demandé un pourcentage des recettes sur l’iPhone, en contrepartie de l’exclusivité chez Orange. Cette mesure ensuite été cassée par le Conseil de la concurrence.

“L’objectif, pour Apple, est de déplacer la valeur de l’opérateur vers le terminal”, analyse Sébastien Crozier. En vendant des terminaux, Apple réalise des bénéfices, mais durant une période bien définie. Pour éviter un essoufflement à plus long terme, le groupe américain évolue vers les services, principalement avec son magasin d’applications en ligne. Malgré des problèmes techniques et des coûts d’exploitation élevés, l’App store maintient durablement attractive la base de terminaux.

Avec son projet d’alternative à la carte SIM, Apple vise particulièrement le marché européen. En Europe, les technologies utilisées sur les réseaux mobiles sont relativement semblables et il existe une certaine concurrence entre opérateurs. C’est moins le cas des Etats-Unis, où les réseaux des opérateurs emploient des technologies différentes.

UN FRONT UNI CONTRE APPLE ?

Pour envisager une riposte contre Apple, Stéphane Richard, le PDG d’Orange, a réuni au mois d’octobre tous les grands opérateurs d’Europe. La première manière de s’affranchir du groupe américain est de miser sur d’autres fabricants et d’autres systèmes d’exploitation, comme Windows 7 mobile, Android de Google, et Nokia.

A la fin du mois d’août, le quotidien Les Echos rapportait également qu’Orange voulait lancer des tablettes tactiles sous sa propre marque, afin de concurrencer le groupe américain sur un nouveau secteur porteur. “Ces projets sont en fait assez anciens et pas très crédibles”, estime toutefois une autre source au sein du groupe, sous couvert d’anonymat.

En se livrant à une “bataille des kiosques”, les opérateurs voudraient enfin éviter que l’ensemble des contenus ne bascule dans le modèle App Store. Le problème est que chez Orange par exemple, plusieurs kiosques coexistent en fonction des plate-formes (Internet, vidéo à la demande, SMS…). “Il n’y a pas de cohérence globale. C’est un casse-tête pour les éditeurs”, relève la même source.

Mais la contre-attaque est d’autant plus difficile qu’Apple, grâce à ses 50 milliards de dollars (35 milliards d’euros) de trésorerie, a potentiellement les moyens de racheter les principaux opérateurs européens que sont Telefonica, France Telecom ou Deutsche Telecom.

Les opérateurs doivent aussi composer avec l’hétérogénéité du marché européen. Certes, la plupart des groupes ont des filiales communes, permettant une coordination, scrutée par la Commission européenne. Mais aucun pays européen ne dispose de la même structure de marché. En France, les fournisseurs d’accès à Internet sont aussi opérateurs mobiles, ce qui n’est pas le cas en Grande-Bretagne par exemple. “Un front commun des opérateurs européens historiques demeure envisageable”, note Sébastien Crozier. “L’alliance avec Vodafone, plus tourné vers la mobilité, serait quant à elle plus complexe”, précise-t-il.

Car les enjeux de ce bras de fer dépassent le simple secteur de la téléphonie. Alors que les opérateurs se demandent sur quelles technologies d’avenir ils doivent miser, comme la fibre ou les réseaux mobiles de type LTE (“long term evolution”), Apple pourrait s’immiscer dans l’équation.

Laurent Checola

[readon1 url=”http://www.lemonde.fr”]Source :lemonde.fr[/readon1]

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