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antenne_relais_gsmLebara et Ortel font un tabac avec leurs cartes mobiles prépayées, qui ciblent les immigrés ayant besoin de passer des appels internationaux. En un an et demi, ils ont bâti un puissant réseau commercial à moindres coûts.  “Marges réduites. Prix justes. Merci.” Sous la pancarte, Basim navigue entre son atelier de réparation de mobiles et le comptoir, derrière lequel il vend des téléphones et des cartes prépayées. La façade de sa boutique est habillée de bleu pétard avec les autocollants Lebara. Cet opérateur mobile virtuel « communautaire » les propose gratuitement à tous les revendeurs, dans les quartiers populaires où se concentrent les immigrés, son coeur de cible. Pour les commerçants, c’est une façon d’attirer le chaland tout en continuant à vendre d’autres marques. Résultat, voilà un an que les enseignes « couleur Schtroumpf » prolifèrent : on en voit six sur 50 mètres, boulevard de la Chapelle ! « Je vais changer, tout le monde fait pareil », glisse tout de même Basim. Il faut se différencier, car il y a désormais foule pour vendre des appels mobiles internationaux aux Africains de la Goutte d’Or ou aux Chinois de Belleville.

Depuis l’arrivée d’Ortel (filiale de l’opérateur historique néerlandais KPN) en mars 2010 en France, suivi deux mois plus tard par Lebara (un groupe indépendant basé à Londres), le marché des cartes SIM prépayées « ethniques » est en effet en plein boom. Nombre de pas-de-porte se sont reconvertis. Basim s’est installé dans une ancienne échoppe de chaussures. A côté, le bazar encombré de théières métalliques et de babouches s’est mis à la téléphonie et sa façade arbore elle aussi des autocollants bleus.
Des clients très avisés

Quant au « phone shop » un peu plus loin, avec ses 15 cabines où les immigrés viennent appeler au pays, il a ajouté des offres Lebara, Ortel, Lycamobile et Simacom en devanture. « Les affaires ne marchent plus aussi bien qu’avant, explique le gérant, barbe ciselée et bonnet de laine : Maintenant, les gens préfèrent acheter des minutes mobiles parce qu‘elles leur permettent d’appeler certains pays pour 5 centimes, au lieu de 20 centimes dans une cabine. » La fièvre bleue est en train de terrasser le marché des cabines téléphoniques pour immigrés. Mais elle s’est étendue bien au-delà de la Goutte d’Or, à en croire Serge-Stanislas Stec, le directeur général de Lebara France : « En dix-huit mois, nous avons habillé 1.267 boutiques à nos couleurs et nous sommes distribués au total dans 30.000 points de vente à travers le pays. Pour aller vite et fort, il faut des méthodes non conventionnelles et de l’audace. » De Carrefour au distributeur de journaux Relais, les ventes cartonnent, souligne-t-il, citant également Dia, Leclerc, Intermarché, Cora, ou Monoprix. Même performance commerciale pour Ortel, qui affiche 35.000 points de vente. Karim Benkirane, qui dirige Ortel France, égrène la liste des partenaires : Altadis, qui approvisionne les bureaux de tabac, Panini dans les points-presse, mais aussi les grossistes des boutiques de téléphonie, Metro pour les épiceries et les boutiques Phoneo. « Nous avons surtout un vrai plan marketing, insiste-t-il. Nous envoyons nos animateurs à Barbès, à la Chapelle, pour expliquer notre offre dans les magasins. Ils vont aussi sur les marchés aux puces, dans les foyers pour immigrés… »

Si les opérateurs mobiles virtuels sont les pros du marketing, par opposition à Orange, à SFR et à Bouygues Telecom, qui jouent la carte de l’ingénierie télécom, alors les « ethniques » sont passés maîtres dans cet art. Il y a de quoi être impressionné par la célérité avec laquelle ils ont monté leur réseau et dragué 600.000 clients pour Lebara, à peu près autant pour Ortel. Ensemble, ils ont remis au goût du jour le prépayé.

Ce segment ne pèse que 18 % du marché mobile. Il a mauvaise réputation chez les opérateurs traditionnels car les clients ne s’engagent pas : ils sont donc difficiles à rentabiliser pour qui dépense son argent dans des centaines de boutiques en propre, dans des campagnes de publicité et des mobiles subventionnés. Mais Lebara et Ortel ne s’encombrent pas de tout cela. Et les immigrés qui ont besoin d’appeler au pays non plus. Ces clients très avisés voient surtout qu’appeler un mobile en Algérie leur reviendra à 19 centimes la minute au lieu de 70 centimes.

Comme Barbes Man, ces nouveaux venus espèrent vivre avec des « marges réduites » et des « prix justes ». Lebara et Ortel revendiquent un revenu moyen par utilisateur (Arpu) supérieur à la moyenne nationale, qui tourne autour de 11 à 12 euros dans le prépayé. Un beau gâteau, mais qu’il faudra défendre sans relâche.

Solveig Godeluck

Source: lesechos.fr

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