jacques_bonjawo
jacques_bonjawoDans son dernier livre, cet informaticien camerounais relance la question de la fracture numérique en Afrique vue sous le prisme de son expérience en Inde.

Jacques Bonjawo, vous revenez avec un nouveau livre que vous dédicacerez d’ailleurs ce mardi 11 janvier à la fondation Tandeng Muna à Yaoundé, pour ceux de nos lecteurs qui pourraient ne pas y être, présentez cette nouvelle publication.

La question rituelle qui se pose : Pourquoi me suis-je donné la peine d’écrire ce nouveau livre sur la technologie et le développement près de dix ans après la parution de « L’Internet, une chance pour l’Afrique » ? La réponse est simple : parce que je le pouvais et parce que je le devais. Il me fallait en effet répondre à l’une des questions qu’on me pose le plus souvent : « Merci de nous avoir appris que la technologie peut contribuer largement au progrès socio-économique des pays africains, M. Bonjawo, mais quelles sont les réalisations concrètes grâce à la technologie que l’on peut citer en Afrique ? » Ce livre se propose donc de dresser, à travers des exemples concrets, un panorama des nombreuses possibilités offertes par les TIC et de leurs contributions à l’essor des pays en développement, notamment en Afrique.

Racontez nous le contexte dans lequel vous avez travaillé sur cette autre publication ?

Ce livre est d’abord le fruit d’un long travail de terrain effectué dans une cinquantaine de pays où je me suis rendu au cours des vingt dernières années afin de découvrir et comprendre le monde dans lequel nous vivons. C’est peut-être ce qui fait sa singularité, comme son originalité. Il est aussi le fruit de la concrétisation de projets personnels, que ce soit ma contribution à la naissance de l’Université virtuelle africaine, dont je suis devenu le premier président malgré mon jeune âge à l’époque, ou plus récemment encore la création de Genesis Telecare, structure technologique qui a fait de la pratique de la télémédecine une réalité au Cameroun et bientôt dans les autres pays d’Afrique. J’ai ensuite proposé mon manuscrit, entre autres, aux Editions Dunod, l’un des plus grands éditeurs français diffusant aussi en Afrique, qui l’a accepté sans hésiter et s’est même associé à RFI afin que celle-ci assure la promotion du livre à sa sortie. Ce succès d’édition a justifié et récompensé mes efforts. J’espère qu’il va se poursuivre en librairie.

 

On remarque et vous aussi dans votre livre, que l’accès au numérique n’est qu’une des causes de la fracture en Afrique, le potentiel même du numérique est ignoré par les utilisateurs éventuels, parfois par manque de connaissance, quelle solutions proposez vous face à cette situation ?

Je pense qu’il est très important de démocratiser l’accès aux TIC et de vulgariser – au sens noble du terme- leur utilisation. C’est un préalable si l’on veut combler le fossé numérique. Il va sans dire que tout le monde ne peut pas devenir ingénieur en Informatique. Ce qu’il faut, en revanche, c’est de donner des outils de base à chacun afin qu’il puisse naviguer dans ce monde nouveau et globalisé. C’est ce que fait par exemple un établissement comme l’IAI-Cameroun, notamment à travers son opération 100.000 femmes qui consiste précisément à former un nombre considérable de femmes à l’utilisation des TIC.

Pour plonger votre dernière publication dans son actualité, la Banque mondiale pense que la révolution numérique au Cameroun par exemple passe par la facilitation de l’accès et que pour cela le secteur public devrait se désengager de la gestion de certains moyens d’accès au NTIC, partagez vous cet avis ?

La Banque mondiale enfonce une porte ouverte. La naissance au Cameroun des opérateurs comme Orange, plus encore comme MTN dont le succès est spectaculaire a démontré il y a longtemps, s’il en était encore besoin, que le secteur des télécommunications doit s’ouvrir largement à la concurrence. Par ailleurs, les pouvoirs publics n’ont pas les moyens colossaux dont disposent ces compagnies privées afin de créer de vraies infrastructures solides et fiables. Il se trouve que ces compagnies, notamment MTN, sont disposées à faire de tels investissements. Il est donc plus judicieux que le secteur public se désengage et se consacre essentiellement à sa mission de régulateur.

À qui finalement s’adresse votre livre, quel est le public que vous ciblez ?

Le livre s’adresse au lecteur universel, mais particulièrement au lecteur africain qui me semble concerné au premier chef par ses analyses et ses recommandations.

Où est-ce qu’on peut le trouver au Cameroun ou ailleurs ?

Comme je l’ai dit plus haut, l’ouvrage est édité par les Editions Dunod en partenariat avec RFI qui en assure la promotion. De ce fait, il sera largement diffusé en Afrique, notamment dans les librairies comme CLE ou St Paul à Yaoundé. L’Éditeur a d’ailleurs permis qu’il soit vendu à un prix préférentiel en Afrique (10.000 FCFA) pour le rendre accessible au plus grand nombre de lecteurs. Le livre sera également disponible à tous les endroits où je serai invité pour la dédicace.

Une des causes de la fracture numérique en Afrique dit-on souvent, réside dans l’absence de dialogue franc entre les gouvernants et les gouvernés, d’où un manque de coordination dans la recherche des solutions, est ce qu’en définitive votre livre peut être considéré comme le premier pas vers ce dialogue franc entre la société civile et les politiques ?

J’ai effectivement esquissé dans ce livre une série d’actions qui pouvaient être menées conjointement par les pouvoirs publics et la société civile afin d’assurer une meilleure diffusion des technologies de l’information et de la communication: La création d’un environnement favorable au développement et déploiement des TIC. C’est le rôle des pouvoirs publics. Le vote de lois et l’adoption de cadres législatifs et réglementaires favorables à la compétition et à l’implication effective du secteur privé. La mise en place de divers mécanismes de financement adéquats des projets et des programmes. La promotion des infrastructures de base accessibles à tous. Le renforcement de capacités pour tous. La sélection et le déploiement des applications TIC pouvant aider à accélérer le développement. Enfin, une impulsion forte des autorités politiques doit accompagner la mise en œuvre effective de ces politiques et stratégies.

Dans le même sens, vous vous refusez à heurter les politiques de développement des nouvelles technologies en Afrique, réaffirmant votre afro optimisme, mais est ce qu’au-delà d’une interpellation générale, votre livre n’est pas une invitation à une prise en compte plus importante et plus concrète par les politiques des solutions qu’offrent les nouvelles technologies ?

Bien entendu, le livre s’adresse également aux politiques en les interpellant une fois de plus sur le rôle moteur des TIC dans le processus de développement. C’est bien d’avoir une vision de ce que devrait être le futur de son pays, mais celle-ci n’a de sens que si elle s’accompagne de projets concrets dont on peut mesurer l’impact sur le quotidien des populations. C’est précisément ce que nous nous efforçons de faire à notre niveau, notamment dans le cadre de Genesis Telecare. J’ai d’ailleurs dédicacé mon livre à tous mes collaborateurs, amis et partenaires qui m’accompagnent dans cette grande aventure, qui m’aident à incarner un véritable projet de technologie Afrique, ainsi que me l’avait suggéré l’ancien président de la Banque mondiale James Wolfensohn en son temps.

On remarque à la lecture, que vous faites un peu un état de la situation du numérique en Afrique, et vous invitez à suivre l’exemple indien, que dit votre livre sur la capacité et les conditions pour une véritable révolution du numérique en Afrique ?

Depuis de nombreuses années, j’entretiens avec l’Inde un commerce à la fois intellectuel et affectif. Ce pays immense et si peuplé, riche de traditions millénaires et en même temps ancré dans la modernité me fascine. C’est donc avec le plus vif intérêt que j’observe son développement économique, persuadé qu’il y a là, pour les africains, un grand nombre d’enseignements à tirer en tenant compte des similarités qui rapprochent Indiens et Africains mais sans ignorer les particularités locales qui imposent d’adapter certaines solutions. L’Inde partage en effet un certain nombre de caractéristiques avec l’Afrique : pauvreté, croissance démographique, jeunesse de la population, multi-confessionnalité, population essentiellement agricole. À la lecture de cette liste non exhaustive de caractéristiques, on peut légitimement se demander ce qui fait que l’Inde s’en sort sensiblement mieux que l’Afrique. Mon livre tente de répondre à cette question mais avance aussi une série de recommandations pour y remédier.

Vous abordez aussi la question des jeunes générations d’Africains qui embrassent l’Internet et vous en parlez comme une raison d’être optimiste, pourquoi ?

Cette conviction est animée par mon expérience de terrain, ma rencontre avec les jeunes, leur intelligence, leur vivacité d’esprit, tout cela me laisse penser que de nombreuses perspectives restent ouvertes. Les jeunes que je rencontre manie les outils technologiques avec une aisance déconcertante, que ce soit l’outil Internet ou le téléphone portable. Cela me donne de l’espoir et de la confiance en l’avenir.

[readon1 url=”http://www.journalducameroun.com”]Source :journalducameroun.com[/readon1]

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