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senegal_tic_telecomC’est un truisme de dire qu’au Sénégal le secteur des télécommunications est le plus dynamique et le plus productif ; avec près de 7% de contribution au PIB en 2009 et plus de 12% de contri bution  aux recettes budgétaires de l’état  , il est de loin le plus prospère de l’économie nationale, mais, aussi, par le biais des recettes tirées du trafic international entrant, parmi ceux qui pèsent le plus favorablement sur la balance des biens et services. En plus, il participe positivement au rayonnement du Sénégal à l’étranger avec la présence remarquée de Sonatel dans la sous-région ouest-africaine, son rôle de plaque tournante dans les communications entre l’Afrique et le reste du monde et sa position de leader à la BRVM.

Le développement fulgurant de l’activité des centres d’appels est une illustration concrète des effets positifs du secteur des télécommunications dans les domaines connexes ; les succès commerciaux de PCCI en Afrique et en Europe en sont une preuve vivante et visible. A cela s’ajoutent toutes les activités et entreprises locales génératrices d’emplois et de richesses qui se développent et gravitent autour des opérateurs de télécommunications : distributeurs de recharges téléphoniques, entreprises de réalisation de travaux de réseaux, agences de communication, etc.

Un secteur anormalement agité Mais, paradoxalement, le secteur des télécommunications, qui a besoin d’un cadre institutionnel serein pour poursuivre son développement et apporter une contribution plus décisive à la croissance du pays, connaît depuis quelques années des soubresauts préjudiciables à son épanouissement. Ces événements qui ont fait l’objet de débats publics passionnés, de commentaires et d’interprétations divers et contradictoires ont pour noms :

– Remise en cause de la licence de Sentel,
– Conditions de vente de la 3 ème licence,
– Vente d’une partie des actions Sonatel détenues par l’Etat à France Télécom,
– Contrat entre l’ARTP et GVG pour le contrôle du trafic international entrant, etc.

En toile de fond de ces différentes controverses, il semble apparaître un dénominateur commun : la perception par l’Etat et par certains opérateurs économiques d’une contribution insuffisante d’un secteur aussi florissant à l’effort de développement du pays. Autour de ce dénominateur commun se développent alors toute une argumentation plus ou moins élaborée et des griefs plus ou moins fondés à l’encontre des opérateurs du secteur : faiblesse de la présence du secteur privé national, contrôle par un opérateur étranger de l’acteur dominant du marché des télécommunications, hiatus entre les bénéfices réalisés par les opérateurs de télécommunications et la qualité du service rendu au client, etc.

Au demeurant, il paraît évident que toute cette agitation autour du secteur des télécommunications n’est profitable ni l’Etat, ni aux acteurs ; elle ne contribue qu’à créer un climat de méfiance entre eux au détriment des nécessaires synergies pour construire durablement et faire des télécommunications un formidable atout pour le développement du Sénégal.

Il convient dès lors, en partant de l’analyse de l’existant, de poser un diagnostic lucide de la situation actuelle afin de proposer des solutions aptes à renforcer la crédibilité du secteur, à pacifier les relations entre l’Etat et les opérateurs et à accroître la contribution des télécommunications à l’effort de développement du pays. En réalité, quelle est la situation des télécommunications au Sénégal ?

Un secteur objectivement performant

D’abord quelques faits et chiffres :

– Le Sénégal est reconnu comme un pays leader en matière de télécommunications en Afrique de l’Ouest, voire en Afrique. En particulier, Sonatel est la première entreprise de la BRVM (de l’ordre de 33 ,33% l’indice BRVM 10) et a reçu les Palmes de la meilleure entreprise cotée en 2009 ;
– Le poids du secteur des télécommunications dans l’économie nationale est considérable : 7% du PIB, plus de 12% des recettes budgétaires, plus de 10% des exportations, les investissements les plus importants depuis au moins deux décennies ;
– Le nombre d’emplois créés est appréciable : plus de 2500 emplois directs et de l’ordre de 50 000 emplois indirects en 2009 ;
– En 2009, près de 90% de la population est couverte par les réseaux mobiles, ainsi que près de 95% des villages de plus de 500 habitants ;
– Le taux de pénétration des services de télécommunications, toujours en forte croissance, est plutôt élevé pour le mobile (environ 62%) [1], mais il reste encore faible pour l’Internet (moins de 1%) [2] ;

Même si des efforts importants restent à faire pour . développer l’usage de l’Internet, il convient néanmoins de noter que le Sénégal compte plus de 900 000 [3] internautes grâce à l’existence de l’ADSL qui a permis la création de cybercentres dans de nombreuses localités ;

– Le réseau sénégalais des télécommunications est fortement interconnecté au reste du monde par des infrastructures modernes à très haut débit telles que les câbles terrestres ou sous-marins à fibres optiques ; c’est ce qui confère au Sénégal sa position enviée de plaque tournante entre l’Afrique et le reste du monde.

En somme, les télécommunications peuvent être considérées comme faisant partie des principaux avantages compétitifs du Sénégal. Mais qu’en est-il des ambitions affichées par l’Etat et des objectifs qu’il a assignés au secteur à travers la lettre de politique sectorielle de janvier 2005 ?

Concernant les objectifs quantitatifs, ils sont globalement atteints en matière de parc de clients et de couverture téléphoniques mobiles, de contribution au PIB et d’investissements privés dans le secteur. Il reste à s’assurer en fin 2010 de l’achèvement de la desserte des 14200 villages centres.

Concernant les objectifs dont l’évaluation quantitative est moins formalisée, notamment à travers des indicateurs facilement mesurables et acceptés par tous les acteurs, il est évidemment plus difficile de donner une appréciation pertinente et objective.

Comment mesurer et prouver que la qualité et la gamme des services offerts ont été améliorées ?

Comment mesurer et prouver que l’innovation dans les services pour satisfaire les besoins de l’ensemble des utilisateurs a été favorisée ? Que dire de la répartition équitable de la valeur générée par le secteur entre les usagers, les producteurs et ‘Etat en vue d’optimiser la croissance du secteur et de favoriser le développement de meilleurs services à des prix compétitifs ?

Que dire aussi de la promotion du développement des nouvelles technologies ?

Que dire enfin du développement des ressources humaines et de la création de nouveaux emplois ?

Tous ces objectifs ambitieux semblent constituer autant de défis à relever pour que le secteur des télécommunications puisse consolider ses importants acquis et répondre aux attentes des différentes parties prenantes que sont les utilisateurs, les populations, les entreprises et l’Etat.

Quelles mesures pour tirer le meilleur parti du secteur des télécommunications ?

Toutefois, force est de reconnaître que le secteur des télécommunications a besoin de sérénité et de stabilité pour jouer pleinement son rôle dans le développement du pays. A cet effet, un certain nombre de mesures à court et moyen termes peuvent être envisagées :

1) Ramener la sérénité dans le secteur et rétablir la confiance entre l’Etat et les acteurs en :

a) Mettant en œuvre de façon plus rigoureuse les procédures de consultation et de concertation préconisées dans la lettre de politique sectorielle pour traiter des questions essentielles du secteur,

b) Trouvant une solution équitable au problème de la licence de SENTEL,

c) Clarifiant définitivement la position de l’Etat par rapport à sa participation au capital de Sonatel,

d) Rendant compte de façon régulière des performances (qualité de service, compétitivité, contribution à l’économie nationale, taux de pénétration des services, etc.) du secteur sur la base d’indicateurs pertinents et consensuels afin de lui donner la place qu’il mérite et de restaurer son image,

e) Améliorant le cadre institutionnel par une redéfinition des rôles respectifs des principaux intervenants, en particulier l’ARTP et le ministère de tutelle, f) En lançant dès maintenant une réflexion prospective sur les conditions de renouvellement des premières licences qui ont été attribuées.

2) Améliorer la contribution du secteur à l’effort de développement du pays en :

a) Stimulant davantage la compétition dans le secteur par l’exploration des pistes suivantes : plus de concurrence dans la fourniture de capacités de transmission internationales et les services Internet et données, licences 3G pour tous les opérateurs, dégroupage de la boucle locale, portabilité des numéros, 4 ème licence globale assortie de privilèges transitoires, etc.

b) Donnant une place significative au privé national dans toute nouvelle licence attribuée dans le secteur,

c) Mettant en place une fiscalité spécifique au secteur sans pour autant entraver son développement,

d) Créant un fonds autonome d’appui au développement des contenus et des services innovants, avec le soutien et la participation des opérateurs du secteur ;

e) Impulsant la réflexion dans la recherche de niches d’investissements industriels dans le domaine des technologies de l’information et de la communication ;

f) Investissant de façon volontariste dans le développement de l’expertise locale dans les domaines les plus porteurs du secteur des technologies de l’information et de la communication, par la mise en place de centres de compétences et/ou de filières d’expertises.

Cet ensemble d’actions est de nature à clarifier le jeu dans le secteur, à rassurer les investisseurs et à créer un environnement propice à l’éclosion de toutes les potentialités du secteur. Il est encore temps de donner au Sénégal la chance de bénéficier pleinement des atouts de son secteur des télécommunications. C’est essentiellement une affaire de vision, d’ambition et de volonté politique pour les uns (décideurs), d’intégrité, de compétence et de capacité d’exécution pour les autres (managers).

Tasrif Tine, Ingénieur en télécommunications
Manager

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