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dga_sonatelJérôme Hénique, numéro 2 du groupe Sonatel, dont Orange est le principal actionnaire, fait le point sur le marché des télécom en Afrique de l’Ouest. Le groupe Sonatel, dont France Télécom Orange est l’actionnaire principal (42%) à côté de l’Etat du Sénégal (27%) , est présent dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest: le Sénégal, son marché historique, le Mali, la République de Guinée et la Guinée-Bissau. Avec 14,5 millions de clients, il a réalisé un peu moins de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2011, ce qui en fait l’une des premières entreprises de la région. Son directeur général adjoint Jérôme Hénique fait le point sur le marché des télécoms en Afrique de l’Ouest, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle au Sénégal.

Vous avez connu une croissance vertigineuse ces dernières années, qui s’est ralentie depuis…

Nous sommes encore en croissance: le chiffre d’affaires a progressé de 6% en 2011. Certes, ce n’est plus une croissance à deux chiffres comme Sonatel en avait il y a quelques années. Nous avons deux groupes de pays, d’un côté le Sénégal et le Mali qui sont deux marchés très mûrs où le taux de pénétration du mobile dépasse les 75% et où la croissance ralentit, et de l’autre la République de Guinée et la Guinée-Bissau, où le taux de pénétration est inférieur à 50% et la croissance encore forte.

Quels sont les prochains potentiels de croissance ?

D’abord, nous pensons que le taux de pénétration va dépasser les 100%, aller jusque 130% comme à Dakar, la capitale. Il faut compter le nombre de cartes Sim par habitant, et non le nombre de mobiles par habitant, parce que les usagers sont multi-Sim.

Ensuite, il y a un potentiel de croissance important sur l’internet mobile, comme ça a été le cas en Europe. On est sur le tout début de la courbe, mais nous avons déjà des croissances exponentielles, parce que l’Internet fixe est sous-développé. Sonatel a 100.000 clients ADSL grand public au Sénégal, mais 6 millions de clients mobile, qui vont peu à peu utiliser les services multimédia sur leurs téléphones, mais aussi sur les tablettes. L’enjeu pour nous, c’est de déployer le réseau 3G.

Les forfaits n’ont pas la cote au Sénégal. Les clients préfèrent acheter du “crédit” qu’ils consomment à disposition…

Le client est habitué à consommer de cette façon-là. En fonction de ce qu’il a dans la poche, il achète des recharges. A 95%, le marché, c’est le prépayé. On n’en est pas à l’étape du postpayé, sauf pour les professionnels et quelques clients Premium, qui peuvent avoir la Livebox, la télé Orange, etc. Mais dans l’entrée de marché et le milieu de marché, c’est le prépayé qui domine, que ce soit pour la voix ou l’internet mobile.

Vous avez lancé il y a près de deux ans le service Orange Money, qui n’existe pas en Europe. Qu’est-ce que c’est ?

C’est une spécificité de notre marché, qui doit répondre à la faible bancarisation de nos clients. Orange Money est un compte virtuel mobile sur lequel vous déposez de l’argent en liquide, auprès des points de vente Orange. Vous pouvez ensuite transférer de l’argent à vos amis, payer vos factures d’internet, de télé ou acheter du crédit à partir de votre téléphone… C’est un vrai porte-monnaie électronique. Ca se développe assez vite: on avait déjà 600.000 clients à la fin de l’année 2011. On n’est pas dans une logique de marge – les commissions sont assez faibles, 2 à 3% – mais d’investissement à long terme. Quand les clients seront habitués à téléphoner, surfer sur internet et payer leurs factures sur leur mobile, ils seront beaucoup plus fidèles à Orange. Nous ne voulons pas nous transformer en banque.

Considérez-vous que l’Etat sénégalais profite de vos revenus importants pour vous surtaxer ?

Nous sommes beaucoup plus taxés que les autres secteurs de l’économie du pays, ce qui est contradictoire avec le fait qu’on est parmi les plus gros contributeurs de la croissance. Le groupe Sonatel, c’est plus de 100.000 emplois indirects au Sénégal et dans les trois autres pays et plus de 10% des recettes de l’Etat sénégalais. En 2011, nous avons versé plus de 180 milliards de francs CFA (275 millions d’euros environ) à l’Etat. Au-delà de la TVA et l’impôt sur les sociétés, Sonatel doit payer une redevance sur l’utilisation du réseau téléphonique, qui a augmenté de 2 à 5% l’an dernier et une contribution au développement de l’énergie et des télécoms, à hauteur de 3% de son chiffre d’affaires. L’Etat a décidé par ailleurs de surtaxer les appels entrants de l’étranger, en figeant les prix par décret, avec une augmentation de 75%. Une minute d’appel de France au Sénégal coûte désormais 141 francs CFA (21 centimes), dont 49 vont à l’Etat sénégalais si c’est un appel mobile et 75 s’il s’agit du fixe.

Depuis cette décision, on a vu le nombre de minutes entrant au Sénégal chuter de façon rapide, plus de 17% entre le mois d’octobre et la fin 2011, et 25% depuis le début de l’année. Ca pénalise tout le monde: le consommateur de la diaspora qui appelle de l’étranger, le consommateur sénégalais sur qui on a répercuté une partie de la hausse pour ne pas vendre à perte et l’opérateur que nous sommes. Mais ça va impacter également l’Etat, qui va toucher moins d’impôts, moins de taxes et moins de dividendes. On se bat contre cette pression fiscale.

Source: challenges.fr

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