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afrique_telecom_ngnLes carences des réseaux sont de plus en plus décriées par les associations et les autorités de régulation. Las, les opérateurs préfèrent souvent être sanctionnés plutôt que d’investir dans l’amélioration de leur service. C’est le revers de la médaille. Coupures intempestives, montant de la facture supérieur aux consommations réelles, messages qui n’arrivent jamais mais dont le crédit est débité… En plein boom de la téléphonie mobile en Afrique, les reproches récurrents adressés aux opérateurs vont crescendo. « Nous payons cher pour un service dont nous ne bénéficions pas, déplore Robin Accrombessi, au Bénin. Et nous assistons à un simulacre de régulation de la part de l’autorité compétente. »

Si le président de l’Association de défense des droits des consommateurs des technologies de l’information et de la communication (Actic) est si remonté, c’est notamment parce que le Bénin a subi le 9 octobre une coupure totale du service de l’opérateur sud-africain MTN. « Le réseau a été perturbé parce que MTN, qui a dédommagé les utilisateurs, installe la 3G », affirme Firmin Djimenou, président de l’Autorité transitoire de régulation des postes et des télécommunications (ATRPT). Jugeant que Robin Accrombessi « exagère », il concède néanmoins que le réseau n’est « pas toujours de bonne qualité », mais assure « mettre la pression sur les opérateurs ».

La situation au Bénin n’est pas un cas isolé. « Cette qualité médiocre du réseau est la face obscure de la croissance des télécoms en Afrique », explique José do Nascimento, enseignant-­chercheur à l’université Paris-Sud. Et les faits confirment les propos de ce spécialiste de la régulation du marché des télécoms sur le continent. Le 8 août, l’Office tchadien de régulation des télécommunications (OTRT) a condamné Airtel, Tigo et Salam à une amende d’environ 1,7 million d’euros pour mauvaise qualité de service et de réseau.

Au Niger, mêmes problèmes et mêmes sanctions. Les cinq compagnies du pays (Celtel, Orange, Atlantique Télécom, Sonitel et SahelCom) ont écopé d’amendes correspondant à 3 % de leur chiffre d’affaires 2011. Les opérateurs du Nigeria, du Gabon, du Kenya, du Togo ou encore du Burkina Faso n’ont pas non plus été épargnés. Au Rwanda, le 14 septembre, MTN a été condamné à verser quotidiennement 3 700 euros pour mauvaise qualité de service et de réseau jusqu’à régularisation de la situation. Ce qui est désormais chose faite, selon François Régis Gatarayiha, qui dirige l’autorité de régulation du pays.

Presque tous les pays du continent sont concernés par la mauvaise qualité des réseaux.

Plaintes

« Presque tous les pays du continent sont concernés par la mauvaise qualité des réseaux, estime José do Nascimento. Simplement, les associations de consommateurs sont plus ou moins développées et actives selon les pays. » De fait, une plainte de consommateurs est systématiquement à l’origine de la montée au créneau des régulateurs. Pourtant, remontrance n’est pas toujours synonyme de sanction.

En RD Congo, « une lettre de mise en demeure a été adressée le 3 septembre à Vodacom et à Airtel », se souvient Jonathan Johannesen, responsable des services financiers chez le concurrent Tigo. « Mais il n’y aura pas de sanctions financières ou de retrait de licence, déplore-t-il. Et comme depuis il n’y a pas eu de nouvel audit, il est difficile de mesurer l’amélioration du service. » Le gouvernement a pourtant constaté une amélioration : « Les opérateurs ont réagi immédiatement, il y a de nets progrès, notamment grâce au déploiement progressif de la 3G », confie Paul Nputu, directeur de cabinet au ministère congolais des Télécommunications.

Quoi qu’il en soit, « la capacité de réseau des opérateurs en Afrique reste nettement en deçà de la densité de trafic que génère un nombre d’abonnés en croissance constante », analyse José do Nascimento. Au Cameroun, par exemple, un audit réalisé fin 2011 a établi que, sur un échantillon de 22 localités contrôlées, le taux de couverture moyen était de 20 %, alors que le cahier des charges exige un seuil de 95 %. La qualité de service, elle aussi, était nettement inférieure aux normes requises.

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Pour augmenter la capacité de trafic de leur réseau, les opérateurs disposent d’une seule solution valable : l’investissement massif. « Or ils ne le font pas, préférant réinvestir leurs bénéfices dans la publicité ou vers de nouveaux marchés, indique Jean-Jacques Massima-Landji, chef du bureau Afrique centrale et Madagascar de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Et les amendes n’y changeront rien ! Leur montant est insignifiant compte tenu de l’ampleur des bénéfices. »

Soupçons d’entente au Nigeria

Le 16 octobre, la Consumers Empowerment Organisation of Nigeria (Ceon, association de défense des consommateurs) a porté plainte contre Airtel, Glo Mobile et MTN auprès du régulateur du pays, les accusant de pratiques anticoncurrentielles. « Nous avons demandé à la NCC [Commission nigériane des communications, NDLR] d’enquêter afin de déterminer si les opérateurs se sont engagés dans des pratiques concertées et abusent de leur position dominante pour conserver un niveau de service de mauvaise qualité et, surtout, une mauvaise interconnexion entre leurs réseaux », indique Babatunde Abiodun Adedeji, coordinateur général de Ceon. Une plainte qui n’étonne pas José do Nascimento, de l’université Paris-Sud : « Il n’existe pas de concurrence par les prix et très peu d’interopérabilité entre les opérateurs en Afrique, explique-t-il. Les ententes y sont pourtant interdites. » La NCC a jusqu’au 15 novembre pour statuer. B.T.

La plupart des cahiers des charges prévoient en effet une amende représentant 1 % du chiffre d’affaires hors taxes, alors que les montants des investissements nécessaires pour atteindre une bonne qualité de service sont bien plus importants. « Les gouvernements n’ont pas toujours intérêt à prononcer de lourdes sanctions, explique José do Nascimento. L’État ou certains membres du gouvernement sont souvent actionnaires et les impôts payés par les opérateurs pèsent lourd dans la balance. »

« Une solution serait d’intégrer dans le contrat de vente d’une licence une clause prévoyant qu’en cas de non-respect du cahier des charges le tribunal compétent soit celui du pays de la maison mère de la compagnie », poursuit le chercheur parisien. Par exemple, pour Orange et MTN, les tribunaux et les autorités de régulation français et sud-africains auraient les moyens financiers et suffisamment d’indépendance vis-à-vis de l’État pour enquêter. « Dans le cas contraire, les amendes resteront souvent symboliques et la situation stagnera », regrette José do Nascimento.

À leur décharge, les entreprises de téléphonie mettent en avant le manque de rentabilité des zones rurales. « Certaines antennes coûtent plus qu’elles ne rapportent », affirme Jonathan Johannesen. Selon les cahiers des charges, les opérateurs doivent couvrir tout le territoire. « Mais une entreprise n’a pas vocation à pallier les missions de service public de l’État », reconnaît José do Nascimento.

Au cours du premier semestre 2013, MTN va céder 1 758 tours de communication, au Cameroun et en Côte d’Ivoire, à IHS, un fournisseur d’infrastructures de télécommunications. MTN deviendra ainsi locataire de ces antennes, ce qui permettra, selon le groupe sud-africain, de « réduire ses investissements en matériel et en entretien pour se concentrer sur l’amélioration du service ». Remède miracle ou voeu pieux ?

Source: jeuneafrique.com

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