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telecel_burkinaParce que le gouvernement les a pris au dépourvu en annonçant le coût du renouvellement des licences seulement en février, les opérateurs s’étaient entendus pour acculer le gouvernement. Mal leur en a pris. La réaction ferme de l’ARCE contre Telecel a surpris et désorganisé l’entente tacite.

Telecel a repris ses services le 28 mai. Après 3 jours de tractations, l’opérateur de cette téléphonie mobile dont le signal avait été suspendu le 25 mai a pu régulariser sa situation et obtenu le renouvellement de sa licence pour une durée de 10 ans. Le 18 mai dernier, les responsables de l’ARCE avaient animé une conférence de presse où il était ressorti que TELECEL et ZAIN doivent renouveler leur licence d’exploitation avant respectivement le 25 et le 29 mai sous peine de voir subir la rigueur des textes. Mais ils ne sont pas nombreux ceux qui pouvaient vraiment penser que l’instance de régulation des télécommunications électroniques iraient jusqu’à suspendre le signal et priver les milliers d’abonnés des services de communication.

Il semble qu’au sein même de TELECEL, on a été surpris de la fermeté de l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques (ARCE). D’ailleurs comme les textes l’exigent, Telecel a écrit depuis le mois de mai 2009 pour solliciter un renouvellement de sa licence. Pour le renouvellement des licences, le gouvernement a fixé le prix à 26, 33 milliards de francs cfa. ” Nous avons été convoqué un soir au cabinet du ministre des Télécommunications, en févier 2010, pour nous entendre dire que le prix de la licence avait été porté à 26 milliards “, se désole, un premier responsable d’une des sociétés de téléphonie. Ce fut donc pour les sociétés un coup de massue.

Un montant trop élevé à trouver en moins d’un trimestre. Le gouvernement visiblement ne voulait pas transiger. Alors il ne restait plus aux sociétés que de se concerter pour arrêter une conduite à tenir. Un front avait été projeté pour mieux affronter le gouvernement. Mais la réaction musclée de l’ARCE dès le 25 mai contre Telecel, dont la licence est arrivée à expiration la première, a brisé le front. La société Zain s’est dépêchée de se mettre en règle. Il ne restait plus à Telecel qu’à aller à Canossa. Elle prit quatre jours pour négocier et obtenir des modalités de paiement. C’est sûr, Telecel n’a pas casqué les 26 milliards du coup. Mais personne ne semble vouloir dévoiler les termes de l’accord avec l’Etat, comme si c’était un secret d’Etat. Surtout à L’ARCE où c’est l’omerta.

La débande des abonnés Telecel

La situation a surpris tout le monde. La direction de Telecel, elle, esperait que l’ARCE ne mettrait pas en exécution sa menace. Alors, quand vers 10 heures, la délégation de l’ARCE accompagnée d’huissiers, s’est présentée à la direction de la société, ce fut la désolation. Aussitôt, le signal a été coupé et les abonnés se sont retrouvés sans téléphone, surtout pour ceux qui n’avaient qu’un abonnement Telecel.

Certains n’ont pas voulu se chercher une autre puce tout de suite, espérant que la situation allait rentrer dans l’ordre dans la journée même. C’était quand même un gros risque que prenait l’ARCE en privant plus de 700 mille personnes de téléphone. Puis passe la journée et rien. Le lendemain rien. Alors les abonnés ont commencé à se chercher une autre puce dans d’autres sociétés de téléphonie mobile. D’autant plus que entre temps, Zain s’était dépêché d’envoyer des texto à ses abonnés pour les informer qu’elle s’était mis en règle. Alors la pression devient plus forte sur Telecel qui avait intérêt que la situation ne perdure pas. Au-delà d’un certain nombre de jours, elle aurait perdu définitivement une grande part de ses abonnés. En tout cas, la situation semble avoir profité principalement à Telmob qui ne semblait pas concernée par la mesure.

A malin, malin et demi

Les opérateurs ont été pris dans leur propre jeu. Le gouvernement avait compris les intentions des sociétés. Pour le président de l’ARCE, Mathurin Bako, les opérateurs ont adopté une mauvaise démarche. Il ne comprend pas pourquoi les trois sociétés, au lieu de discuter plutôt sur les modalités de payement, ont voulu se focaliser sur le montant de la licence. Une démarche qui ressemble à une ignorance des textes. Le montant de la licence est non négociable.

C’est un décret qui l’a fixé et il est incompréhensible qu’on demande une baisse au gouvernement quelques semaines avant la fin des échéances. C’est en février dernier que le gouvernement, après avoir étudié les différents points des cahiers de charge soumis aux opérateurs, a édicté les conditions de renouvellement des licences d’exploitation. Aucune licence n’a été retirée même si des manquements ont été constatés dans le respect des cahiers des charges. Mais l’une des conditions de renouvellement étaient le payement de la licence. Certaines clauses des cahiers des charges n’ont pas été respectées par les opérateurs selon le président de l’ARCE. Aucun opérateur n’a une couverture satisfaisante. Telmob couvre 60% du territoire, Zain 53% et Telecel 35% selon Mathurin Bako.

Mauvaise qualité des services

Il y a également la qualité des services offerts par les téléphonies mobiles. Le gouvernement n’est pas satisfait non plus sur ce point. Un abonné en pleine conversation avec son interlocuteur peut voir la communication s’interrompre sans qu’il ne comprenne pourquoi. Il n’est pas non plus rare de tenter plusieurs fois sans succès d’entrer en contact avec son interlocuteur. Ces problèmes que vivent les millions d’abonnés, les opérateurs en sont responsables. Et cela s’appelle mauvaise qualité du service. Pourtant, dans le cahier des charges, les différentes sociétés se sont engagées à offrir des services de qualité. Mais les résultats de l’évaluation des cahiers des charges montrent des manquements à ce niveau. Ces manquements concernent tous les opérateurs. Le gouvernement aurait pu les sanctionner, selon Mathurin Bako, mais il ne l’a pas fait et a accepté renouveler les licences sous certaines conditions. Pourquoi les opérateurs, de façon collective, demandent la baisse du montant de la licence ?

La licence coute-t-elle plus chère au Burkina qu’ailleurs ? Non, répond le président de l’ARCE qui cite des exemples dans la sous région. La société soudanaise Expresso a payé sa licence au Sénégal pour 1 milliard de dollars. Orange pour 30 milliards de francs CFA. En Côte D’ivoire, chacune des trois sociétés payent 40 milliards F CFA. Au Togo, Telecel a payé sa licence à 25 milliards après avoir été suspendu dans ce pays également pour les mêmes raisons. Les licences coutent alors relativement bas au Burkina par rapport aux autres pays. Et l’attitude des sociétés est d’autant plus incompréhensible qu’elles appliquent les coûts les plus chers dans la sous région. Elles font alors de gros bénéfices et sont capables de payer sans problème la licence. Sur ce point, d’ailleurs, une étude est en cours. La tendance montre que les couts des communications au Burkina sont les plus chers de la sous région.

Ces résultats, l’ARCE entend les présenter prochainement aux sociétés de téléphonie mobile. Elles pourront alors être contraintes par l’ARCE à baisser les coûts. L’ARCE dans son rôle de régulation a cette prérogative d’amener les différentes sociétés à respecter une marge. La loi du marché selon laquelle la concurrence profite nécessairement au consommateur reste ici une théorie. L’Etat va devoir intervenir pour réguler le marché dans l’intérêt des consommateurs. Autre point qui va faire intervenir l’autorité de régulation, c’est la question de l’identification des abonnés. A la date d’aujourd’hui, près de 55% des abonnés sont identifiés. Mais les opérateurs continuent de passer par des distributeurs non agréés pour vendre les puces. Mais désormais, cela devrait cesser selon Mathurin Bako. Une rencontre devrait être organisée prochainement entre l’ARCE et l’ensemble des opérateurs sur la question. Plus question de voir les enfants vendre les puces dans la rue. Les opérateurs devraient prendre toutes les dispositions pour que cela soit respecté.

Telecel a retourné la situation

La crise est désormais passée. Telecel et Zain ont renouvelé leur licence mais on ne sait dans quelles conditions. Une chose est sûre, Telecel qui a vécu une mauvaise période avec l’affaire de sa licence a su retourner la situation. Nombre de ses abonnés qui commençaient à partir sont revenus. Dès le lendemain de sa reprise, TELECEL a su reconquérir ses abonnés au point d’acceuillir de nouveaux autres qu’elle a du mal même à gérer. La plupart des abonnés ont reçu chacun un bonus de communication pour la “fidélité”. Telecel a offert en même temps un bonus de 200% sur ses cartes de recharge et une réduction sensible du coût de la communication pendant deux semaines. Il n’en fallait pas plus pour voir de nouveaux clients se bousculer devant les portes de telecel.

La société a même fait recours au service de la police municipale. Devant le siège central, Telecel a dû installer des tentes dehors pour recevoir les clients. Des rangs interminables ont été constitués. Telecel sait ce qu’elle fait. Elle a failli perdre beaucoup de ses clients mais elle a su retourner la situation en sa faveur. Le jeu en vaut la chandelle. La concurrence est désormais rude. L’ONATEL va bientôt perdre le monopole du téléphone fixe. Telecel et Zain ont aussi obtenu la licence globale. Ce qui les autorise à offrir des services avec aussi bien le mobile que le fixe. Ils peuvent également offrir internet. Le nombre des opérateurs va aussi augmenter. Le gouvernement va lancer prochainement un appel d’offre pour l’attribution d’une nouvelle licence. Pas mal de sociétés aussi nationales qu’internationales sont déjà intéressées selon le président de l’autorité de régulation des télécommunications électroniques.

Par Moussa Zongo

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