En matière de politiques publiques, le secteur des TIC s’est vu, pour la première fois, doté d’un ministère à part entière, mais son existence aura été de courte durée puisqu’il sera supprimé au bout de cinq mois pour être intégré au ministère de la Communication actuellement dirigé par Moustapha Mamba Guirassy qui est ainsi le dixième ministre à gérer ce département depuis sa création en 2001. Il faut par contre se réjouir de la création et de la mise en place d’un Comité national pour le passage de l’audiovisuel analogique au numérique dont il faut espérer qu’il mettra rapidement en œuvre les mesures d’accompagnement nécessaires à cette mutation critique. Il faut également saluer la mise en place des organes constitutifs du Fonds de développement universel des télécommunications (FDSUT) de l’Agence de régulation des télécommunications et de la poste (ARTP) qui lui permettent enfin d’être opérationnel six ans après sa création ! Parlant toujours de l’ARTP, le Conseil de régulation a été entièrement renouvelé en mars 2010 alors que le mandat de l’ancienne équipe était arrivé à expiration depuis avril 2009. Son nouveau Présidant, Sérigne Mboup, n’aura cependant guère eu le temps d’exercer ses fonctions puisqu’il a été remplacé, sans explication officielle, par Fatou Blondin Ndiaye Diop, ex-Ministre des TIC, en décembre 2010. Du côté de la mise en œuvre de la Stratégie de croissance accélérée (SCA), des progrès ont été enregistrés avec l’organisation, en collaboration avec le secteur privé, d’un atelier d’échange et de validation des premiers chantiers devant contribuer au développement de l’industrie des TIC. Par contre, il faut déplorer l’augmentation de 2% à 5% du taux de la redevance sur l’accès ou l’utilisation du réseau des télécommunications publiques (RUTEL) sous prétexte d’augmenter les recettes destinées à lutter contre la pauvreté faisant ainsi du secteur des TIC une véritable vache à lait alors qu’il manque cruellement de moyens de financement pour assurer son propre développement. Enfin, l’intégration des directives de l’Union économique et monétaire (UEMOA) et des actes additionnels au traité de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a franchi un pas important avec l’examen et l’adoption du projet de code des télécommunications harmonisé par le conseil des ministres du 17 décembre 2010.
En matière d’infrastructures et des services, l’Etat a octroyé une licence d’exploitation à l’opérateur de télécommunications nigérian Globacom qui permettra l’arrivée au Sénégal du câble sous-marin en fibre optique Glo 1 reliant le Royaume Uni au Nigéria et offrira des services de transport international destinés aux opérateurs de télécommunications, à l’Etat et aux grossistes de même que l’Internet à haut débit et des services à large bande. De même, il faut noter le démarrage de la construction du câble sous-marin en fibre optique Africa Coast to Europe (ACE) reliant la France à l’Afrique du Sud dont la mise en service opérationnelle est prévue pour le premier semestre 2012 et qui permettra à plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest d’accéder à l’Internet haut débit. Enfin, il ne faut pas oublier le lancement réussi du satellite panafricain RascomStar-QAF1R qui fournira des services de télécommunications dans les zones rurales, des liaisons interurbaines et internationales, des services de télévision et d’accès Internet et qui remplace le satellite RascomStar-QAF, lancé en décembre 2008 et qui avait connu des ennuis ayant réduit sa durée de vie de quinze ans à deux ans.
L’examen du marché des télécommunications, entre septembre 2009 et septembre 2010, montre que, sous l’effet des offres « Keurgui Kheweul » et « Keurgui Yakhanal » d’Orange et « Yobalema » d’Expresso, le parc de lignes fixes a augmenté de 25,36% portant le taux de pénétration à 2,71%. Cependant, cette hausse cache une baisse de 12% de la téléphonie publique liée à la disparation progressive des télécentres. En matière de téléphonie mobile, le nombre des abonnés est passé de 6 391 080 abonnés à 7 825 750 abonnés, soit une progression de 22,44% et un taux de pénétration de 64,3%. Le marché, constitué à 99,34% par la formule prépayée, est dominé par Orange avec 60% des abonnés, suivi par Tigo avec 31% et Expresso avec 9%. Enfin, le marché de l’Internet est passé de 58 708 abonnés à 85 279 abonnés soit une progression de 45,25% mais avec un taux de pénétration de seulement 0,70%. Parmi les abonnés, 90,3% se connectent en ADSL, 8,2% via le mobile et 1,5% en RTC.
Pour ce qui des services, les opérateurs ont privilégié la mobilité avec d’une part la commercialisation par Expresso de « e-liberté », une carte SIM universelle compatible tant avec son réseau CDMA de 3ème génération (3G) qu’avec les réseaux GSM de 2ème génération (2G) utilisés par Orange et Tigo et d’autre part le lancement par Orange de la clé « Pass Internet everywhere » permettant d’accéder à l’Internet mobile via une formule prépayée. Le transfert d’argent par téléphone a également été à l’honneur avec le lancement d’Orange Money par la Sonatel en collaboration avec la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Sénégal (BICIS) et de « Yoban’tel », par la Société générale de banques au Sénégal (SGBS) en partenariat avec Tigo. Cependant, les possibilités offertes par ces systèmes sont tellement limitées, compte tenu de leur approche propriétaire, qu’ils sont loin d’être aussi populaires que M-Pesa, lancé au Kenya par Safaricom en mars 2007. Enfin, Google a gâté les internautes sénégalais en mettant Google Map à leur disposition et en les faisant bénéficier du service Gmail Sms Chat qui permet d’envoyer et de recevoir gratuitement des SMS à partir de Gmail. Principal fournisseurs de services de télécommunications au Sénégal, la Sonatel a vu son action, cotée à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) de l’UEMOA d’Abidjan (Côte d’ivoire), opérer une forte progression, celle-ci passant de 120.000 FCFA en fin décembre 2009 à 154.000 FCFA au 31 décembre 2010.
Au final, on peut considérer que l’année 2010 aura été bien remplie et il faut espérer que 2011 verra des progrès significatifs effectués par le secteur des TIC afin qu’il puisse effectivement jouer le rôle qui lui est assigné dans les discours et tirer le meilleur profit de son fort potentiel.
Olivier Sagna
Secrétaire général d’OSIRIS
Source : osiris.sn