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telephone_sms_afriqueLe téléphone portable de Mary Wanjiku n’est pas qu’un moyen de communication. Pour cette Kényane de 28 ans, c’est aussi et surtout un outil sûr et bon marché pour transférer facilement de l’argent à sa mère.

Comme pour des millions d’Africains et de Japonais avant eux.

“Avant, j’aurais été contrainte de me déplacer pour lui donner de l’argent. M-PESA a révolutionné ma vie”, dit-elle devant un magasin de Nairobi qui commercialise ce service.

M-PESA, en swahili, signifie “argent mobile”. Filiale de Safaricom, le principal opérateur de téléphonie mobile du Kenya, ce réseau de transfert de fonds à distance pallie l’insuffisance des structures bancaires classiques en Afrique, où une personne seulement sur cinq dispose d’un compte en banque.

Le principe est simple: un utilisateur donne à un agent certifié la somme qu’il souhaite transférer à une tierce personne. Cette dernière est prévenue par SMS. Elle se rend auprès d’un agent certifié ou attend son passage pour récupérer l’argent.

M-PESA emploie 9.000 agents qui s’occupent en bout de chaîne de la manipulation physique des billets de banque.

D’autres applications se sont développées, pour payer un taxi ou régler une facture. Du coup, il est possible de passer une journée à Nairobi sans avoir d’argent sur soi.

Plusieurs compagnies de plantation de thé ou de café l’utilisent pour verser les salaires de leurs employés; des ONG y ont recours, comme la Croix-Rouge lors des violences post-électorales de 2007.

UN KÉNYAN SUR SIX

Avec l’expansion des téléphones portables en Afrique – de 50 millions d’usagers en 2003, le marché est passé à 270 millions en 2007 selon les données de l’association professionnelle GSMA -, ce service était promis au succès.

En deux ans, le partenariat conclu entre l’opérateur et la Banque commerciale du Kenya a attiré 6,5 millions de clients, soit un Kényan sur six.

D’autres opérateurs ont pris position sur ce marché, comme la société sud-africaine MTN ou la koweïtienne Zaïn qui propose cette fonction en Afrique du Sud ou encore au Nigeria.

Au Japon, pionnier de la technologie des transferts d’argent via le téléphone portable, on estime à 55 millions le nombre d’appareils dotés de la fonction e-money (argent virtuel).

Selon la firme Gartner, consultant dans le domaine des technologies de l’information, ce service croît chaque année au rythme de 70%. En 2012, plus de 190 millions de personnes devraient utiliser l’argent virtuel.

“Les téléphones portables sont excellemment bien placées pour devenir le premier canal numérique des fournisseurs de services bancaires et financiers sur les marchés émergents”, note Marcus Persson, analyste chez Berg Insight.

En Europe ou aux Etats-Unis, son développement a été freinée par une autre technologie, l’internet à haut débit, qui a favorisé l’émergence des banques en ligne, l’ordinateur se substituant au téléphone.

TOURNANT DU DÉVELOPPEMENT

L’argent virtuel par téléphone portable a un coût élevé pour les opérateurs (l’entretien de ces réseaux d’agents) et ne leur rapporte pas grand chose – une taxe prélevée sur l’envoi des SMS. Ce qui explique qu’une firme comme M-PESA n’est toujours pas à l’équilibre. Mais c’est aussi un moyen de fidéliser la clientèle dans un secteur d’activité extrêmement concurrentielle.

Même si ce phénomène est encore récent, la Banque mondiale en Afrique le qualifie de “tournant du développement” en insistant sur sa faculté à faire circuler l’argent même dans des régions très isolées.

“Il permet à l’argent de pénétrer plus facilement dans des zones rurales où il est vraiment nécessaire”, souligne Olga Morawczynski, chercheuse à l’Université d’Edimbour. Selon ses calculs, 30% des sommes envoyées aux villages par des Kényans s’étant installés dans les villes transitent par M-PESA.

Les banques traditionnelles voient plutôt d’un bon oeil le développement de ce système, dont elles assurent le fonctionnement en fournissant l’argent liquide.

“C’est en partie une affaire d’éducation. Nous pensons qu’une proportion de clients commenceront avec les services bancaires de bases via le mobile puis, une fois habitués, se tourneront vers les comptes bancaires classiques”, explique Ravind Ramanah, qui dirige le marketing pour les marchés émergents chez BNP Paribas, partenaire d’Orange Money, la filiale pilote de France Télécom en Côte d’Ivoire.

Version française Henri-Pierre André

[readon1 url=”http://www.lepoint.fr”]Source : lepoint.fr[/readon1]

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