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marc_rennard_orange_afriqueLe Directeur Exécutif pour l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie revient sur l’environnement des télécoms en Afrique et détaille les initiatives prises par son groupe en matière de Responsabilité Sociétale et de transfert des technologies et des compétences. 

Les Afriques : Avec l’émergence des classes moyennes, comment va évoluer la demande en TIC en Afrique ?

Marc Rennard : Selon les prévisions de l’IDATE (chiffres 2010), le marché des télécoms en Europe aura 1,5% de croissance, tandis que celle-ci sera de 6,8% en Afrique et au Moyen-Orient. La demande va donc continuer à progresser fortement en s’appuyant principalement sur la pénétration du mobile, qui va continuer à croître (selon Informa Telecom, la pénétration du mobile va atteindre 51,5% en 2010 et 71,2% en 2015), et sur le développement très fort de l’internet, tant grâce à l’arrivée de capacités pour relier l’Afrique au monde Internet (câbles sous-marins, câbles terrestres) qu’au déploiement de solutions mobiles (3G). Les nouveaux services vont eux aussi connaître un fort développement, liés à l’économie immatérielle (m-banking, contenus, la télémédecine, e-learning…)

LA : En matière d’infrastructures, l’Afrique accuse un certain retard dans le déploiement de l’internet haut débit. Quelles sont les causes de ce retard et les solutions adéquates ?

MR : Les raisons sont multiples et désormais bien analysées : réglementations inadaptées, illettrisme, coût des connections internationales, infrastructures insuffisantes (électricité notamment), coût des terminaux, etc. S’agissant de la connectivité au réseau mondial Internet, France Télécom-Orange soutient plusieurs projets de construction de câbles sous-marins visant à accroître la capacité et la qualité de la connectivité Internet des pays africains : mis en service le 16 novembre 2009, le câble LION relie Madagascar, La Réunion et l’Ile Maurice grâce à 1000 kilomètres de fibre optique. La pose de LION a été assurée par le Chamarel, un des navires câbliers du groupe France Télécom. LION va permettre une meilleure connectivité à Internet, facteur déterminant pour le développement socioéconomique de cette région. La coopération régionale dans l’océan Indien sera encore renforcée grâce au projet de prolongement du câble LION jusqu’à Mombasa (Kenya). Par ailleurs, le câble EASSY (Eastern Africa Submarin System) donnera à une dizaine de pays d’Afrique de l’Est un accès aux autoroutes mondiales Internet. France Télécom-Orange contribue également au déploiement de câbles sous-marins sur la façade atlantique de l’Afrique. Fin 2011, le câble ACE (Africa Coast to Europe) reliera l’Afrique du Sud à la France pour permettre au plus grand nombre de pays de la côte ouest de l’Afrique d’accéder au réseau haut débit mondial. Le groupe a investi 250 millions $ pour ce câble de 17 000 km dont le coût total sera de l’ordre de 700 millions $. Par ailleurs, face à la faiblesse de déploiement des réseaux filaires, nous croyons fortement à l’internet mobile. Nous développons rapidement des réseaux 3G en Afrique et au Moyen-Orient, et de très nombreuses filiales ont d’ores et déjà lancé ce nouveau réseau et les services associés. Les filiales qui ne l’ont pas encore fait prévoient de le faire dans les mois ou années qui viennent. Nous offrons ainsi à nos clients des capacités et des services qui sont comparables à ceux que l’on peut trouver en Europe (mail, TV mobile, services à valeur ajoutée).

LA : Quelle est la stratégie d’Orange en matière de responsabilité sociétale des entreprises en Afrique ?

MR : La responsabilité sociale d’entreprise est au cœur de la stratégie du groupe France Télécom-Orange. Afin de pouvoir assurer notre pérennité à long terme dans les pays d’Afrique dans lesquels nous opérons, nous agissons en tant qu’entrepreneurs contribuant au développement économique et social des populations qui nous accueillent. Sur la zone Afrique, Moyen-Orient et Asie, notre priorité est de promouvoir le développement économique et social des pays dans lesquels nous sommes implantés, en s’appuyant sur nos services. Nous développons des projets avec des partenaires de pays du Sud et de pays émergents : ONG, fournisseurs locaux, universités.

Ces derniers s’orientent tout particulièrement sur le développement économique local, sur la santé, l’éducation ou encore l’agriculture. Par exemple, un projet d’incubateur d’entreprises du secteur des nouvelles technologies va être lancé prochainement. Ce programme, soutenu par la Banque mondiale, consiste dans un premier temps à soutenir 30 entreprises pendant trois ans. Nous fournirons les serveurs et la connexion Internet, et contribuerons également à un transfert de compétences. Notre engagement dans les communautés locales se traduit aussi par nos actions de mécénat. Au travers des fondations Orange par exemple, nous menons des actions qui visent à favoriser la scolarisation et le maintien des filles à l’école.

LA : Y a-t-il une volonté de transfert de technologies ? Si oui quelle est la politique d’Orange ?

MR : Bien sûr nous favorisons largement le transfert de technologies, notamment au travers du transfert de compétences : plus de 99% de nos 18 000 employés directs en Afriques sont africains.
Nous mettons en œuvre de nombreux dispositifs de formation, adaptés aux contextes des pays, des cultures et des métiers, pour développer la valeur professionnelle de chaque salarié, en cohérence avec la croissance de l’entreprise et l’évolution de ses métiers. Nous avons ainsi créé des écoles de management (Sénégal, Jordanie), avec des programmes de formation dédiés sur des thèmes touchant au management d’équipe, au leadership et à la connaissance de l’environnement business. Nous venons d’inaugurer une école de la distribution (pour nos équipes internes) à Dakar et une autre sera bientôt ouverte à Nairobi. A Madagascar, nous avons lancé Orange School, la première école de formation sur les métiers de la vente et des centres d’appels (ouverte en externe).

Côté technique, nous nous appuyons sur notre Orange Labs (R&D) du Caire, qui mène des réflexions sur les usages dans les pays émergents, sur un département du Technocentre, implanté à Amman, et sur notre Skill Center du Mali, qui aide au déploiement d’Orange Money, un service innovant de m-paiement déjà lancé en Côte-d’Ivoire début 2009, et depuis lors également au Sénégal, au Mali, à Madagascar et au Niger. Ces entités travaillent sur des innovations propres au continent africain. D’autres projets seront également à venir, dans le cadre de ce transfert de technologies.

LA : Quelles sont vos actions dans le domaine du green business (énergies renouvelables, recyclage des mobiles, éco-conception et dématérialisation des cartes prépayées, green data center, etc.) ?

MR : Nous avons déjà entrepris de catégoriser nos déchets, de mettre en place un système de collecte et de recyclage des téléphones mobiles et des batteries dans certaines de nos filiales, de connaître la traçabilité des produits recyclés et de promouvoir le suivi et le recyclage des équipements électroniques en fin de vie. Nous avons lancé des stations de téléphonie mobile 100% solaires dans la majorité de nos filiales. Cette année, plus de 900 stations solaires sont mises en place dans une douzaine de pays en Afrique, et nous allons encore accélérer dans les années à venir.

De plus nous avons expérimenté l’utilisation de notre surplus d’énergie solaire pour des communautés villageoises : au Niger nous avons lancé l’alimentation en énergie d’un poste de santé communautaire grâce à cette alimentation solaire de nos équipements. Autre exemple très significatif, l’e-recharge permet de diminuer le nombre de cartes prépayées en plastique qui sont jetées directement après leur utilisation : aujourd’hui dans l’ensemble de nos réseaux en Afrique, plus d’un rechargement sur deux se fait via les e-recharges, et nous allons continuer à fortement progresser sur cette dématérialisation.

LA : Comment Orange intervient dans l’émergence de l’économie immatérielle (e-santé et télémédecine, m-banking, e-formation, virtualisation, etc.) en Afrique ?

MR : Orange participe à des projets de télémédecine en Egypte, au Botswana, à Madagascar et au Sénégal. Par exemple, à Madagascar, dans le cadre d’un partenariat avec la Fondation Akbaraly, Orange Madagascar fournit les équipements pour assurer la connexion entre les trois centres et leurs contacts avec les instituts internationaux, comme en France ou en Italie, aussi bien pour la formation des médecins que pour le traitement des patients. Des diagnostics sont déjà fournis à Fianarantsoa (deuxième ville de Madagascar, ndlr) grâce au service de télémédecine assuré par le haut débit d’Orange via le câble LION. Dans d’autres pays, différents services comme la télédermatologie sont en cours de tests. En la matière, nous sommes ouverts à travailler avec toutes sortes de partenaires : instances gouvernementales, mais aussi ONG, entreprises du domaine de la santé et organismes internationaux. Je souhaiterais aussi souligner la forte contribution d’Orange au développement des contenus en Afrique avec le lancement du portail starafrica.com, qui est un portail généraliste et une mine d’informations sur l’actualité, le sport, l’éducation, la musique en Afrique, tout en offrant des services premium comme le transfert de minutes vers l’Afrique depuis l’Europe.

LA : Les zones rurales sont généralement défavorisées pour l’accessibilité aux TIC, contrairement aux zones urbaines. Comment peut-on remédier à ce déséquilibre ?

MR : Nous avons une politique extrêmement volontariste en la matière. Orange se veut le « champion du rural ». Les populations rurales représentent plus de 60% de la population en Afrique subsaharienne, et nous souhaitons apporter à la majorité, sinon la totalité de ces populations ce service très important pour leur vie quotidienne qu’est le mobile, et chaque fois que possible l’accès à l’internet, et ce en liaison avec les autorités locales. Nos investissements visent à élargir les zones de couverture en utilisant différentes technologies adaptées tant aux topologies ou conditions environnementales qu’aux coûts de déploiement. Nous avons également mis en place dans certaines filiales (Mali, Cameroun) le projet « Community Phones ».

Ce dispositif de téléphonie publique consiste à équiper un membre d’un village isolé d’un kit de connexion mobile composé d’un terminal, d’une carte SIM, d’une antenne à grande portée et d’un chargeur solaire. Il permet à des femmes, notamment, de créer une activité en louant leur téléphone portable aux autres villageois. Nous permettons ainsi la création d’une activité économique en zone rurale. Bien entendu, nous participons également activement aux différentes initiatives en cours pour partager les infrastructures avec nos propres concurrents, en vue de réduire les coûts de déploiement des réseaux

LA : Il existe en France une inquiétude sur les problèmes sanitaires causés par les ondes et les antennes relais. Quelles sont les solutions mises en œuvre en Afrique ?

MR : Depuis plus de dix ans, le groupe France Télécom-Orange est attentif au sujet des ondes radio en assurant notamment une veille sur les études scientifiques et en se référant aux avis des autorités sanitaires internationales et nationales sur le sujet. Depuis 1994, le groupe organise des forums annuels d’information, avec la participation des autorités publiques, des professionnels du secteur et de scientifiques reconnus. Sur la zone Afrique, Moyen-Orient et Asie, nous menons également un dialogue structuré avec nos parties prenantes (nos clients, les autorités et la société civile) pour recueillir les attentes, entre autres sur ce sujet, et construire un plan d’action détaillé sur le sujet.

LA : Plusieurs études mettent en exergue la corrélation entre accès aux TIC et croissance économique, quelle est votre message aux décideurs africains pour faire des TIC un tremplin pour le développement durable du continent ?

MR : Pour une croissance durable et maîtrisée, il faut tout d’abord une régulation et une gouvernance saines et qui favorisent ce développement, et un jeu équilibré pour tous les acteurs. Par ailleurs, il est important de favoriser les investissements dans ce secteur en ne le taxant pas trop et en favorisant les investissements dans les zones rurales et dans les câbles. Enfin, nous sommes prêts à participer aux initiatives qui viseront à rassembler tous les acteurs afin de favoriser un développement sain et durable. Notre industrie est une industrie lourde, qui nécessite beaucoup d’investissements. Nous avons donc besoin de stabilité et de visibilité pour continuer à investir.

Entretien réalisé par Thierry Téné

[readon1 url=”http://www.lesafriques.com”]Source :lesafriques.com[/readon1]

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