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france_telecom_stephane_richardFrance Télécom reprend l’initiative dans Mobinil, numéro un du mobile en Egypte avec 26 millions de clients, devant Vodafone. Il a conclu un partenariat “renouvelé et renforcé” avec Orascom, à la signature duquel La Tribune était invitée par l’opérateur français.  Mobinil sera désormais consolidé à 100% dans les comptes de France Télécom qui en assurera le contrôle opérationnel. L’opérateur va également se lancer dans l’accès à Internet à haut débit avec le rachat du fournisseur d’accès Linkdotnet, jusqu’ici détenu par Orascom. Le français compte apporter son savoir-faire pour faire augmenter la recette moyenne par client dans un pays où le taux d’équipement au mobile atteint déjà 68% de la population. Orange, dont la division Business Services compte quelque 1.300 salariés au Caire, est déjà actif dans l’Internet pour les entreprises en Egypte. Pour Stéphane Richard, cet accord est une étape importante dans le développement de France Télécom dans les pays émergents. Il regarde actuellement le dossier d’un opérateur mobile en Irak, sans vouloir y prendre une position de contrôle à court terme.

La Tribune – Votre accord avec Orascom met un terme à des années de conflit. Pourquoi cela apparaît-il plus compliqué de faire des affaires dans des pays émergents ?

Stéphane Richard – C’est toujours plus compliqué de faire du business quand on n’est pas seul à décider, que cela soit dans un pays émergent ou pas. Mais c’est aussi un grand avantage d’avoir des partenaires locaux forts. Dans certains pays comme en Tunisie, c’est même une obligation légale. Certes, les histoires d’entreprise sont jalonnées de conflits entre associés ou partenaires, mais je suis convaincu que cela reste la meilleure option. Surtout dans nos métiers qui doivent avoir des marges facialement importantes pour financer des investissements élevés. Cela peut créer des tensions d’apparaître comme étant riches dans des pays plutôt pauvres.

– On n’a pas très bien compris à quoi correspondaient les 300 millions d’euros versés à Orascom dans le cadre de vos accords…

– C’est d’abord le prix de la paix. C’est-à-dire pour France Télécom la fin de ce qui a nui à son image en Egypte, comme dans cette partie du monde. C’est vraiment important. C’est aussi une indemnité transactionnelle pour solder tous les contentieux ouverts devant de nombreuses juridictions et le prix d’une clarification et d’une simplification du pacte d’actionnaires. L’accord va nous permettre de consolider 100% de Mobinil, contre 71% auparavant, et de récupérer ainsi environ 400 millions d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires par an, un Ebitda [résultat brut d’exploitation] de 180 millions et une forte croissance. Enfin, l’accord signé clarifie le mode de résolution des conflits pour que ne se reproduise pas ce qui est arrivé.

– Vous aviez un différend sur le passage de Mobinil aux couleurs de la marque Orange. Votre accord ne tranche pas ce sujet ?

– Le différend ne portait que sur la propriété de la marque Mobinil. Nous ne voulions pas faire de cette question de la marque un point de blocage dans nos discussions. Mobinil est une marque forte et légitime.

– Envisagez-vous d’autres opérations avec Orascom qui a d’autres actifs à vendre ?

– A partir du moment où nous avons rétabli une relation de confiance avec quelqu’un, on peut se parler de tout. Nous verrons ce que nous pourrons faire avec Naguib Sawiris (le patron d’Orascom, ndlr). Mais nous ne discutons pas actuellement de leur opérateur mobile en Algérie, qui est leur principal actif.

– Avez-vous regardé les actifs africains de Zain que l’indien Bharti rachète pour plus de 10 milliards de dollars ?

– Bien sûr que nous les avons regardés depuis plusieurs années. Mais nous n’arrivions pas à la même valorisation qui représente plus de dix fois l’Ebitda. Et puis, vu la transition managériale en cours chez France Télécom, ce n’était pas le moment de se lancer dans une telle opération. Mais notre développement dans les pays émergents est une priorité. C’est vrai que nous n’avons pas fait de grosse acquisition récemment. Mais regardez ce que le groupe a fait depuis dix ans dans la zone Afrique-Moyen-Orient, en Ouganda, Kenya, Niger et même en Tunisie où nous avons lancé nos opérations la semaine dernière. Nous relançons un travail intense d’identification d’opportunités dans les pays émergents. Et l’Afrique a un grand potentiel. Je vous demande un peu de patience. En Asie, les deux énormes pays que sont la Chine et l’Inde sont très difficiles à pénétrer. Mais il y a certainement des choses à faire, plus petites. Au Vietnam, si la privatisation des télécoms intervenait un jour, je pense que nous serions bien placés.

– Vous venez d’essuyer un revers en Suisse où les autorités de la concurrence ont interdit votre fusion avec Sunrise. Comptez-vous jeter l’éponge ou faire appel ?

– Je rappelle que nous n’avons rien perdu puisque nous n’avions pas versé 1 euro. La situation est surtout gênante pour le vendeur. Nous avions auparavant Orange Suisse, nous l’avons toujours… Ce n’est pas une catastrophe. Sur le fond, cette décision m’a surpris. Nous avions rencontré beaucoup de monde avant de faire cette opération qui nous paraissait bonne pour le marché et le consommateur suisse en dépit des apparences. C’est toute la différence entre l’esthétique de la concurrence et la réalité de la concurrence. Nous sommes dans une situation où l’opérateur dominant impose ce qu’il veut face à deux petits concurrents qui n’ont pas de poids suffisant. Les réunir permettrait de réveiller la concurrence. Donc, nous allons probablement faire appel dans le délai de trente jours, en proposant aux autorités de modifier certains contours de notre projet.

– Quelle enveloppe comptez-vous consacrer aux acquisitions dans les prochaines années ?

– Je ne me suis pas fixé de montant à investir. Mais France Télécom a des marges de manœuvre. En 2010 et 2011, nous avons en gros 4 milliards d’euros par an de disponible, que nous pouvons affecter au désendettement et aux acquisitions. Sans compter que l’argent que nous devions investir en Suisse n’est toujours pas dépensé. Et nous avons un ratio de dette sur Ebitda, inférieur à 2, historiquement bas. Donc, nous pourrions avoir recours temporairement à un accroissement de la dette pour financer une acquisition.

– Pour rechercher des suppléments de croissance, il y a aussi les nouveaux métiers, comme les contenus. Avez-vous arrêté votre stratégie en la matière ?

Nous ne sommes pas encore au clair sur la question de la télévision et des droits sportifs. Nous y travaillons pour arrêter notre position d’ici un mois, avec une option lourde à prendre. J’ai rencontré les présidents de Deutsche Telekom, de Telefonica, et Carlos Slim. Tous se posent les mêmes questions, et personne n’a trouvé la solution. J’ai rencontré aussi tous les présidents de groupes audiovisuels français, publics ou privés. Christine Albanel et Pierre Louette sont étroitement associés à cette réflexion, aux côtés des équipes en place.

– On vient d’annoncer deux nouveaux suicides de salariés à France Télécom…

– Nous devons continuer le travail engagé. Mais nous avons déjà une nouvelle dynamique sociale. Nous avons signé sept accords depuis le début de l’année dont un sur le stress. L’une des spécificités de France Télécom est d’avoir une moyenne d’âge de 47 ans, élevée. Les suicides ont montré que la population la plus fragilisée était celle des hommes autour de 55 ans. Je crois beaucoup au temps partiel senior pour faciliter les fins de carrière des personnes qui en ressentent le besoin.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Jacquin

[readon1 url=”http://www.latribune.fr”]Source :latribune.fr[/readon1]

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