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free_iliad_xavier_nielOffres simplissimes et prix serrés… L’opérateur veut appliquer au téléphone les recettes qui ont fait son succès dans l’accès à Internet. Pour Orange, SFR et Bouygues, la menace est grande.

Toujours aussi original, Xavier Niel, le patron aux cheveux longs de Free. Son modèle économique du moment ? L’Albanie. Tout ça parce que l’ancien Etat stalinien va bientôt accueillir sur son minuscule marché de 4 millions d’habitants un quatrième réseau de téléphonie mobile. Le nouvel opérateur, le scandinave Tele2, est réputé pour ses forfaits low-cost. Il devrait donc déclarer la guerre des prix dans les Balkans. Exactement ce que Xavier Niel rêve de faire en France. Mais, jusqu’ici, on l’en a empêché.

La thèse de Free est la suivante : pour préserver leurs marges juteuses (30 à 40% par abonné), Orange, Bouygues Telecom et SFR forment, avec la complicité de l’Etat, un oligopole qui bloque le prix des abonnements à un niveau élevé. D’après les calculs du fournisseur d’accès à Internet, le budget mobile moyen pour un foyer de trois personnes ayant chacune un portable est de 2 340 euros par an, soit 65 euros par mois et par personne. « Nous pouvons diviser cette facture par deux », promet Xavier Niel. Qui prend exemple sur les tarifs imbattables d’Oran¬ge… à l’étranger. En Autriche, One, la filiale locale de l’opérateur historique, a lancé en septembre dernier un forfait de 17 heures de communications mensuelles à 25 euros. A ce prix, les Français n’ont droit qu’à une heure de conversation. Mais cela pourrait changer. L’appel d’offres pour la quatrième licence de téléphonie mobile 3G devrait être lancée avant la fin de l’été. Cette technologie permet de téléphoner et d’envoyer des SMS, comme la 2G, mais aussi de surfer sur le Net et de recevoir des vidéos.

Le marché de l’abonnement mobile est loin d’être saturé

Les candidats ? D’après les experts, Numericable n’a pas les reins assez solides. Virgin Mobile hésite. Reste Free, toujours prêt. « C’est le plus crédible, estime Benjamin Rousseau, analyste chez CM-CIC Securities. Avec sa base actuelle de 4 millions de clients à l’ADSL et en comptant 2,5 personnes par foyer, il peut tabler à terme sur 10 millions d’abonnés. »

Pour l’inventeur de la Freebox et du « trois-en-un » (Internet, télévision et téléphone fixe) à 29,99 euros par mois, cette diversification est cruciale. Certes, le chiffre d’affaires de Free a progressé de 29% en 2008 (à 1,6 milliard d’euros) et sa rentabilité frôle les 12%. Mais, à moyen terme, le marché de l’ADSL n’est plus porteur. Numéro 2 des boîtiers Internet (derrière Orange) depuis qu’il a racheté Alice, Free n’a recruté que 114 000 nouveaux abonnés au dernier trimestre 2008, contre 137 000 un an plus tôt. Le mobile, en revanche, a encore de l’avenir. Le taux de pénétration (nombre de cartes SIM rapporté au nombre d’habitants) est de seulement 91% en France contre 143% par exemple en Italie. Un taux que Niel veut doper en reproduisant les recettes qui lui ont réussi dans l’ADSL : des offres simples à prix serrés. Bref, l’exact inverse de la stratégie des opérateurs actuels.

Au siège de Free, à Paris, les équipes marketing ont commencé à cogiter pour concevoir les « packages » qui seront commercialisés à partir de fin 2010. Rien de précis n’a encore filtré, mais Free devrait se contenter de deux ou trois forfaits, contre une trentaine chez Orange et SFR. Dont, à n’en pas douter, une offre d’appels illimités vers tous les opérateurs. Ce serait une première en France. Les formules dites illimitées d’Orange (Origami Star) et de Bouygues Telecom (Neo) sont, en effet, valables seulement le soir et le week-end, quand on téléphone le moins. La raison est le coût, élevé en France, des « terminaisons d’appel » (TA). Quand un abonné Orange, par exemple, compose un numéro SFR, SFR doit « terminer » l’appel, c’est-à-dire le faire passer sur ses lignes. En compensation, SFR reçoit d’Orange une redevance à la minute dont le montant est fixé par l’Arcep. Ainsi, Orange et SFR reçoivent 6,5 centimes la minute et Bouy¬gues Telecom 8,5 centimes, parce que sa base d’abonnés est moins large.

L’illimité 24 heures sur 24 est donc risqué pour un opé­rateur, puisque plus ses abonnés appellent les réseaux concurrents, plus il passe à la caisse. Coup de chance pour Free : en 2010, l’Arcep, sous la pression de la Commission européenne, divisera par deux le tarif des TA. Xavier Niel déboulera donc sur le marché au moment où l’illimité sera moins coûteux. Coup de pub assuré. « L’il¬limité, c’est le rêve des consommateurs », estime-t-il.

Dernier arrivé, premier servi ? Le futur opérateur va bénéficier d’un autre « cadeau » qui fait hurler les anciens. Orange dénonce même un bradage du « patrimoine immatériel » de l’Etat et se réserve de porter l’affaire devant la justice européenne. L’affaire ? En 2007, Bercy avait fixé le montant de la quatrième licence à 619 millions d’euros, soit la même somme que pour les trois précédentes. Trop cher, avait dit Niel, déjà sur le coup. Au terme d’un intense lobbying auprès des ministres et des parlementaires, le patron de Free est parvenu à réduire la note à 206 millions d’euros. Certes, pour ce tarif, l’entrant n’aura droit qu’à une bande de fréquence de 5 mégahertz, trois fois moins large que celle des autres. Suffisant pour passer des appels, mais pas pour suivre dans de bonnes conditions un match de foot sur son téléphone. Un handicap très relatif : d’après une étude récente de l’Afom, le lobby fondé par SFR, Orange et Bouygues, seuls 15% des utilisateurs de mobile s’en servent pour envoyer des mails et 3% pour regarder la télé. La licence à prix cassé serait donc une très bonne affaire pour Free.

Ce n’est pas tout : pour que le petit cadet des opérateurs ait ses chances de grandir sur un marché bien verrouillé, l’Arcep exige que ses aînés lui tendent la main. Ainsi, dès que le quatrième opérateur aura couvert 25% de la population en 3G, il pourra utiliser le réseau GSM (la 2G) d’un des trois autres. Free, si c’est lui qui l’emporte, bénéficierait ainsi dès 2011 d’une couverture nationale pour les appels classiques et les SMS. Un coup de pouce qui rend évidemment furieux le trio historique. Celui-ci sera aussi obligé de partager ses antennes avec l’intrus. Nul doute que Free utilisera à fond cette possibilité. En jouant au « coucou », il limitera ses investissements et pourra tirer le prix des forfaits vers le bas.

1 milliard d’euros sont budgétés pour déployer un réseau

Officiellement, le fournisseur d’accès Internet a budgété 1 milliard d’euros pour déployer son réseau 3G et couvrir en huit ans 80% de la population. Soit, au total, 400 millions de moins que SFR. Logique, estime Maxime Lombardini, le directeur général de Free : « Si nous obtenons la licence, il s’agira de la 650e installation de réseau mobile dans le monde. Forcément, le prix des infrastructures a beaucoup baissé depuis cinq ans. » Le quatrième larron bénéficiera aussi des technologies dernier cri, comme le Femtocell. Il s’agit d’une antenne cellulaire qui se connecte aux box des fournisseurs d’accès à Internet et permet de téléphoner gratuitement sur son mobile à son domicile. Intérêt pour l’opérateur ? De substantielles économies par rapport aux grosses antennes installées sur les toits des immeubles.

Il y a un autre coût sur lequel l’opérateur a l’intention de faire une croix : le réseau de boutiques. Pour attirer les clients, Orange, SFR et Bouygues ont implanté dans les grandes artères commerçantes du pays des magasins à leurs couleurs qui proposent un vaste choix d’appareils. « Est-ce bien utile ? », se demande-t-on chez Free. « Pourquoi pas une livraison à domicile après commande sur le Web ou par téléphone. » Les nouveaux abonnés à Internet pourraient même recevoir un mobile gratis en même temps que leur box maison, avancent les analystes du CIC. Et bientôt, l’écran plat en prime ?

[readon1 url=”http://www.capital.fr”]Source : capital.fr[/readon1]

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